27 et 28 mai 1922 : Édition du premier Bol d'Or motocycliste

Future ligne de départ du Circuit du Bol d'Or, Moto Revue, 1/5/1922

A l’image du bol d’or cycliste, ancienne course de vélos, né en 1894 et fort de son succès, Eugène Mauve (1893, Paris – 1954, Neuilly-sur-Seine) crée le Bol d’or motocycliste et cyclecariste en 1922. Couru initialement sur un circuit en terre entre 4 villes proches de Paris, il voit rapidement son parcours et ses règles évoluer, le transformant en une course à ne pas manquer et comptant pour le Championnat de France d’endurance.

Au fil des années, Le Bol d’Or attire de plus en plus de coureurs motocyclistes sur des circuits tels Montlhéry ou Le Castellet, révélant des grands champions comme Gustave Lefèvre et Dominique Sarron, tous deux, 7 fois vainqueurs de cette épreuve mythique, le premier ayant eu le mérite de le gagner 5 fois en étant le seul pilote de sa moto.

NAISSANCE DU BOL D'OR

En 1922, Eugène Mauve, jeune mécanicien de 28 ans, grand passionné d’aérostats, et également président de l’amicale des anciens motocyclistes militaires, lance l’idée d’une course de motos équipée uniquement en tourisme. Se basant sur le concept du Bol d’Or cycliste, épreuve à succès dont le nom est tiré du Bol d’Or offert par les chocolateries Menier, la distance parcourue doit être la plus longue possible, sur un circuit fermé de 5,1 km, durant 24 heures avec un arrêt de 4 heures maximum et, fait notable, en étant l’unique pilote de sa moto. Plusieurs catégories sont prévues : 250 centimètres cubes (cc), 350cc et 500cc où, pour chacune d’elles, un minimum de kilomètres doit être parcouru pour obtenir une place au classement général. À ces motos sont ajoutées les side-cars, motos auxquelles sont fixés un panier et une troisième roue pour le transport d’un passager supplémentaire, et les cyclecars, voitures de poids et de cylindrée réduite et à 3 ou 4 roues.

Le circuit, après de multiples propositions et difficultés, est tracé dans les environs de Paris et longe 4 villes : Livry, Vaujours, Coubron ainsi que Clichy-sous-Bois. Ce choix est motivé par le souhait d’attirer le public et de lui faire découvrir ces motocyclettes, nouveau moyen de locomotion très en vogue en ce début de siècle et qu’il imagine réservé aux sportifs et connaisseurs. Une particularité de ce circuit est la terre battue sur laquelle les motos devront rouler ; des éclairages, des stands de ravitaillements et des tribunes sont installés pour les motocyclistes et leurs équipes mais également pour les journalistes et le public, très curieux de suivre cette épreuve d’endurance hors du commun.

Le circuit en terre battue: L'Auto, 17 avril 1922

Le circuit en terre battue: L'Auto, 17 avril 1922

Au vu du succès escompté, les grands périodiques sportifs et les industriels en viennent à prévoir de nombreux prix sous forme de coupes, médailles et autres breloques, en espérant tirer de cet évènement une publicité susceptible de multiplier leurs ventes et accroître leur popularité.

En l’espace de quelques jours et, bien que des grands constructeurs tels Peugeot, Alcyon ou Terrot ne participent pas, persuadés que cet évènement n’aura pas de suite ni succès et ne leur amènera pas de retombées publicitaires, les inscriptions affluent : au total, ce sont 71 coureurs et leur machine qui sont listés. Finalement, 17 motocyclistes, 12 side-cars et 23 cyclecars vont se présenter au départ, prévu pour la catégorie « motocyclette » à 6h00 du matin le samedi 27 mai pour se terminer le dimanche à 6h00. Les side-cars et les cyclecars débuteront leur course le dimanche matin à 8h00 afin d’éviter un trop grand nombre de participants sur le circuit, susceptible d’occasionner engorgements et risques d’accident à répétition ; leur arrivée est fixée le lundi matin à 8h00. Ils effectuent ainsi 50h00 de défilé mécanique dans le bruit et la poussière des routes, sous les acclamations d’une foule enthousiaste et curieuse.

LE DÉROULEMENT DU BOL D'OR

Le départ de la course s’effectue à 6h30 avec 17 concurrents : 5 coureurs en 500cc, 4 en 350cc, 6 en 250cc et 2 en bicyclette à moteur, cette dernière catégorie ayant été ajoutée quelques jours avant le départ de la course. À l’arrivée, ce sont 13 motocyclistes qui franchissent la ligne, 1 moto de 500cc, 1 de 250cc et 2 de 350cc ayant déclaré forfait.

Il est rapporté officiellement que le vainqueur Tony Zind a effectué 243 tours, soit 1245,628 km à la vitesse moyenne de 51,900 km/h sans s’arrêter une seule fois, bien que le règlement autorisait 4 heures de pause sur 24 heures par tranche d’une heure au maximum.

La course de side-car et de cyclecars voit franchir la ligne d’arrivée respectivement de 6 et 12 compétiteurs. Ce seront 31 concurrents sur 52 participants qui termineront ce premier bol d’or après divers abandons, sans qu’on ait à déplorer de graves incidents ou des victimes, point positif dans une course certes innovante, mais à risques tant dans l’organisation que dans son déroulement.

Ravitaillement sur le circuit le 27 mai 1922

Ravitaillement sur le circuit le 27 mai 1922, Gallica, agence Rol

Tony Zind et Oswald Lambert

Tony Zind et Oswald Lambert; Le Petit Journal Illustré, 04/06/1922

Un aperçu de la terre battue du circuit

Le side-car d'André et le cyclecar de Fioranelli en plein effort; Gallica, agence Rol, 28 mai 1922

L'ARRIVÉE DU BOL D'OR

Le vainqueur en 500cc, discipline phare de cette course, est le grand champion lyonnais Tony Zind (1894-1965) sur Motosacoche qui réitérera cette victoire en 1923. Favorisé par la disqualification d’un de ses concurrents Leslie Pinney, celui-ci ayant été aidé par 2 mécaniciens pour revenir au stand après la casse de la fourche de sa moto, et par l’abandon de « Pierre », de son véritable nom Pierre de Font-Réaulx, sa moto ayant pris feu après une chute dans un virage, il franchit la ligne d’arrivée après 24 heures de course dont 12 heures en tête, ne s’arrêtant que quelques instants pour manger, se reposer et ravitailler sa moto en carburant.


 

Tony Zind et sa Motosacoche le 28 mai 1922

Tony Zind et sa Motosacoche le 28 mai 1922, Gallica, agence Rol

Laurent, motocycliste devant courir sur Madoz, est le vainqueur de la catégorie 350cc ; la firme s’étant retirée de la course à la dernière minute, il est finalement autorisé à piloter la dite machine mais sans en nommer la marque. En 250cc, François Clech sur Motosolo gagne avec 218 tours et 1117,498 km. Quant aux bicyclettes à moteur, le haut du podium revient à Violet et à Cavaniet, sur des machines de marque Griffon-Sicam.

Cette première édition est un succès à la fois pour les pilotes, les firmes présentes mais également auprès du public qui a oublié tout l’inconfort, le bruit et la poussière, pour suivre ces hommes dont l’exploit sportif est au moins aussi important que le temps à effectuer cette course.

François Clech sur Motosolo, vainqueur en 250cc

François Clech sur Motosolo, vainqueur en 250cc, Gallica, agence Rol, 28 mai 1922

EN SAVOIR PLUS

Eugène MAUVE : né à Paris 6e, le 25 mars 1893 et décédé le 6 octobre 1954 (Les Ailes, 16 octobre 1954), il est le dernier d’une fratrie de 6 frères et sœurs. Mécanicien lorsqu’il est incorporé lors de son service militaire en 1913 au sein du 2ème groupe d’aviation, il crée en 1922 le Bol d’Or et le supervise jusqu’en 1954. Dirigeant sportif, il obtient la médaille d’honneur de l’éducation physique en 1932. Il est également connu comme constructeur automobile et pilote d’une automobile dont le moteur était situé à l’arrière (L’Auto, 15 novembre 1934).

Un cyclecar d'Eugène Mauve

Un cyclecar d'Eugène Mauve, 1923, Gallica

Tony ZIND : né le 26 juillet 1894 à Lyon et décédé le 22 juillet 1965 à Jujurieux (Ain). Formé à la mécanique, il devient coureur motocycliste professionnel dès 1919 jusqu’en 1928 et participe à de nombreuses courses. Il termine celles-ci régulièrement à la 2ème ou 3ème place mais réussit l’exploit de gagner les 2 premières éditions du Bol d’Or de 1922 et 1923. Licencié à l’Union des Motocyclistes de France (U.M.F.) et garagiste, il acquiert un fonds de motocyclettes à Lyon en 1930. Entre 1937 et 1939, il est ajusteur à la Société Nationale de Construction Aéronautique à Ambérieu-en-Bugey, dans l’Ain.

Tony Zind, sur sa Motosacoche, Bol d'Or 1922, « Les 100 ans du Bol d’Or » de Moto Revue
On peut remarquer le guidon extra-large ainsi qu’une certaine fatigue sur le visage du pilote.

Par Evelyne Ruis