Émile Gilliéron et l'invention de l'iconographie olympique
Focus sur l'exposition « L’Olympisme. Une invention moderne, un héritage antique » du Louvre.
Le musée du Louvre propose de découvrir les origines des Jeux olympiques à travers une exposition qui lève le voile sur la fabrique iconographique de l’Olympisme. Si les premiers Jeux olympiques modernes sont organisés à Athènes en 1896, c’est à Paris qu’ils sont créés deux ans plus tôt : cet événement sportif mondial y est né de l’imaginaire d’historiens, de scientifiques, d’artistes et de politiques, qui, au nom de la paix favorisée par la pratique du sport, ont voulu réinventer les concours de la Grèce antique. Dans le contexte politique singulier du tout jeune État grec, le concept va d’emblée connaître un succès et un développement importants, portés par les premiers outils de communication modernes appliqués à la promotion sportive (trophées, affiches, reproductions, timbres…).
Émile Gilliéron (1850-1924), dessinateur d’origine suisse, qui se forme aux Beaux-Arts de Paris et fréquente le Louvre où il copie certains des chefs-d’œuvre, s'installe en Grèce en 1876. Professeur de peinture auprès de la famille royale de Grèce, le roi Georges Ier le nomme artiste officiel des premiers Jeux olympiques moderne à Athènes en 1896 (ainsi que de la Mésolympiade de 1906, tentative de l'Etat grec qui faire revenir les Jeux sur son territoire). Dessinateur pour les plus grands chantiers de fouilles archéologique de l’époque, il a pu puiser à ces sources antiques pour inventer l'iconographie des Jeux olympique moderne.
Par le biais des techniques de reproduction les plus modernes, il illustre les images servant à la communication du tout jeune État grec, notamment les timbres ou les affiches.
Outre ses talents de dessinateur, Émile Gilliéron va également concevoir des trophées pour les vainqueurs. Dans son atelier athénien, il va ainsi produire toute une série de récompenses pour les Jeux de la Mésolympiques. Inspirées des vases et coupes antiques, ces trophées font tout de même preuve d'un grand esprit d'originalité.
Émile Gilliéron édite enfin une série de cartes postales largement diffusée pour les jeux intermédiaires, dit Mésolympiques, qui eurent lieu à Athènes en 1906. Il rappelle ici l’arrivée triomphale de la première épreuve du marathon qui clôtura dans un stade comble les jeux Olympiques de 1896. La mention « NENIKHKAMEN », « Nous avons vaincu », évoque aussi bien la victoire du coureur que celle des Grecs à Marathon.
L’épreuve du marathon fut inventée pour les premiers Jeux de 1896 par le philologue Michel Bréal. Le professeur au Collège de France était un ami proche de Pierre de Courbertin. Quand celui-ci organise en 1894 à la Sorbonne un congrès pour le rétablissement des jeux Olympiques, Michel Bréal en est le premier orateur. La même année, alors qu’il est en vacances en Suisse, il écrit à son ami : « Puisque vous allez à Athènes, voyez donc, si l’on peut organiser une course de Marathon au Pnyx. Cela aura une saveur antique. »
Michel Bréal avait vu juste : cette épreuve, mise en valeur à la fin des Jeux, fut remportée dans la liesse générale, par un Grec, Spyridon Loúis. Et dès l’année suivante, un premier marathon a lieu à Boston en dehors des jeux Olympiques. Une nouvelle discipline sportive était née.