La trêve de Noël de décembre 1914 : vérité ou légende ?

Trêve de Noël décembre 1914 entre soldats allemands et britanniques

Penser à la « trêve de Noël de décembre 1914 », c’est imaginer la fraternisation entre soldats allemands, britanniques et français, à leur échange de petits cadeaux, souvenirs et enfin aux matches de football qu’auraient joués ces hommes. Au coeur d’une guerre où la violence fait rage, ces soldats de tout bord vont montrer à leurs supérieurs, ceci de manière spontanée qu’il peut encore rester un peu d’humanité sur les champs de bataille.

En décembre 1914, cela fait 5 mois que la guerre se poursuit dans des conditions apocalyptiques mais les militaires hauts gradés comme les simples soldats pensent, malgré tout, qu’elle va se terminer rapidement. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.

Lorsque Noël approche, les soldats espèrent le célébrer, certes avec le peu de moyens qu’ils ont, mais surtout oublier pendant quelques heures toutes les atrocités d’un conflit qui les engloutit chaque jour.

Bien que la guerre se soit étendue sur tout le nord du territoire français et en Belgique où elle est particulièrement dure, quelques secteurs du front vont connaître une trêve spontanée, née d’initiatives individuelles et loin des ordres de la hiérarchie.

Une sorte de magie dans un climat terrible va naître pour quelques heures, voire quelques jours.

Ainsi, profitant des moments accordés pour récupérer les corps des soldats et les enterrer, des soldats allemands, repris par des soldats britanniques ou français, entonnent des chants de Noël tel « douce nuit » devant un arbre de Noël de fortune, allument des bougies, montrant des visages sales et recouverts de boue sur lesquels les yeux s’illuminent quelques instants ou quelques heures, sortent des drapeaux blancs pour faire cesser les tirs de part et d’autre. Progressivement, les hommes sortent des tranchées et se retrouvent dans le « no man’s land ». Les uns et les autres échangent des poignées de main, des cigarettes, du chocolat, de l’alcool,… tout ce qui peut permettre de fraterniser et oublier un court moment les horreurs de la guerre, avec l’espoir que cela va cesser très prochainement, que chacun pourra enfin rentrer chez soi et se souvenir que le Noël de 1914, malgré tout, a pu être célébré et partagé avec des hommes, comme eux, simples et croyant à l’humanité.

Soldat allemand présentant un arbre de Noël en 1914 (lithographie de Frédéric Villiers,1915)

Soldat allemand présentant un arbre de Noël en 1914 (lithographie de Frédéric Villiers,1915)

Trêve de Noël,1914; soldats britanniques et allemands rassemblés (The Daily Mirror, 08/01/1915)

Trêve de Noël,1914; soldats britanniques et allemands rassemblés (The Daily Mirror, 08/01/1915)

Contrairement aux soldats français sous le coup d’une grande censure de la part de leur État-Major en tant que pays envahi, les Britanniques et les Allemands sont moins soumis à cette surveillance, tout au moins pendant une petite période. Pendant cette trêve, les deux ennemis peuvent échanger et se parler.

C’est dans cet esprit que des échanges de ballon de fortune, popularisé par les Britanniques, semblent avoir lieu entre soldats, faisant surgir pour un bref moment, un instant de détente, d’humanité et de fraternisation sur quelques mètres carrés de terre boueuse, agrémentés de trous d’obus, mortier et autres munitions.

Ce partage a-t-il été jusqu’à jouer un match de football entre ennemis ? Rien n’est moins sûr, mais la magie de Noël a laissé à chacun le choix d’y croire et d’en relater le déroulement. Des périodiques britanniques relateront quelques parties de football sommaires, montrant que ce sport est universel pour rassembler les peuples.

Une du magazine sportif La Vie au Grand Air du 15 décembre 1916 (Coll. MNS)

Une partie de football entre soldats britanniques à Messines en Belgique

Une partie de football entre soldats britanniques à Messines en Belgique.

Quelques témoignages de soldats ont pu parvenir jusqu’à nous, pour nous rappeler ce que Noël 1914 a été pour tous ces soldats, ce qu’il symbolisait pour eux et leur apportait dans cette période si désastreuse : un jour de paix et de liens entre nations.

Malgré cela, tous ces hommes sont là pour se battre dans une guerre qu’ils ne comprennent pas vraiment et dont ils doivent subir les conséquences. Rapidement, leurs supérieurs leur font oublier ces quelques instants pacifistes pour les renvoyer au front d’où beaucoup ne reviennent pas. Seuls leurs écrits relatés sur des cahiers, dans des lettres à leurs proches et repris par la presse, ont pu fixer leurs souvenirs, rappeler que Noël est un moment d’unité entre hommes et nous permettre de ne pas oublier que, malgré tout et avant tout, ils étaient des hommes attachés à certaines valeurs humaines.

Dans cet esprit de mémoire, diverses commémorations ont eu lieu comme celles en Angleterre à Liverpool ou en Belgique à Comines-Warneton ainsi que celle de décembre 2015 à Neuville-Saint-Vaast où un monument de la fraternisation a été inauguré rappelant une phrase ô combien prémonitoire de Louis Barthas dans ses carnets de guerre : » Qui sait ! peut-être un jour sur ce coin de l'Artois, on élèvera un monument pour commémorer cet élan de fraternité entre des hommes qui avaient horreur de la guerre et qu’on obligeait à s’entretuer malgré leur volonté ».

Le monument des fraternisations de Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras (France).

Le monument des fraternisations de Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras (France).

Monument commémoratif entre soldats britanniques et allemands à Liverpool (Angleterre).

Monument commémoratif entre soldats britanniques et allemands à Liverpool (Angleterre).

Inauguration par l’UEFA des 100 ans de la trêve de Noël de 1914-18 en Belgique.

Inauguration par l’UEFA des 100 ans de la trêve de Noël de 1914-18 en Belgique.

Pour en savoir plus

Par Evelyne Ruis