Les 24 Heures du Mans, 1923: première édition d'une course mythique

Départ des 24 H du Mans, le 27 mai 1923

Lorsque l’Automobile Club de l’Ouest et son directeur Georges Durand,Charles Faroux (journaliste et pilote automobile) et Émile Coquille (responsable français de la société Rudge-Whitworth, inventeur de la roue amovible) se rencontrent en 1922, c’est l’idée d’une grande aventure qui se dessine. En effet, pour valoriser l’industrie automobile, les trois hommes ont le projet d’une course d’endurance de 24 heures, née aux États-Unis en 1905, avec des automobiles de tourisme.

Naissance des 24 Heures du Mans

La course d’endurance sur 24 heures autour du Mans est créée afin de promouvoir l’industrie automobile essentiellement auprès des particuliers. Des automobiles de production de marque et cylindrée diverses sont engagées, le but étant de montrer la fiabilité des mécaniques, de l’éclairage (qui en est à ses débuts), leur régularité et leur vitesse sur route. Contrairement au Bol d’Or automobile né l’année précédente, le pilote peut être secondé d’un autre pilote. Il est prévu que la coupe offerte par la société Rudge-Whitworth est définitivement attribuée à l’équipe remportant la course trois années de suite. Toutefois, trop contraignant, ce point de règlement disparaît très rapidement.

Le circuit du Mans, appelé également « circuit de la Sarthe » qui est une version évoluée de celui qui a servi pour le Grand Prix de France en 1906, est long de 17,3 km. Constitué d’une route habituellement ouverte au public, il est recouvert de terre, de cailloux et amélioré par du bitume pour les besoins de la course mais qui, en cas de pluie, devient vite une piste boueuse.

Circuit des 24 Heures du Mans de 1923 à 1928

Tracé du circuit des 24 Heures du Mans de 1923 à 1928, Wikipédia

A travers cette course de 24 heures, les organisateurs souhaitent en particulier tester et améliorer l’éclairage électrique des automobiles ; souvent défectueux et fragile, celui-ci occasionne encore trop d’incidents sur les routes.

Déroulement de la course

Sous une pluie battante, les préparatifs du départ, prévu à 16h, se précisent et ce sont 33 concurrents qui, une fois tous les ravitaillements et contrôles effectués, s’installent dans leur voiture ruisselante et décapotée. Habillés de vêtements chauds, parfois coiffés d’un casque de bois et cuir, les yeux protégés par des lunettes en plastique ou recouvertes de métal fendu au centre pour voir la route et se protéger des poussières, des protège-tympans enfoncés dans les oreilles pour atténuer le vacarme assourdissant des moteurs, les pilotes attendent le signal pour lancer leur automobile durant 24 heures sur le circuit détrempé.

Casque et lunettes avec protection métallique de René Léonard

Casque et lunettes avec protection métallique de René Léonard, vainqueur de l'édition 1923, collections Musée national du Sport, num.inv. 2007.113.7

Protège-tympans de René Léonard

Protège-tympans de René Léonard, collections Musée national du Sport, num.inv. 2007.113.8

À 16 heures, les automobiles s’élancent et de suite, la pluie se mêle à la compétition. Dès les premiers tours, la Chenard-Walker n° 9, pilotée par André Lagache, prend la tête, suivie de près par ses concurrents. La lutte est rude d’autant que la pluie qui ne cesse de tomber, rend la piste extrêmement collante, cette dernière finissant par se détériorer rapidement ce qui entraîne la projection de boue et de pierres sur les pilotes. Toutefois, la vitesse moyenne reste élevée puisque les 95 km à l’heure sont pointés lors du passage des meilleures voitures; les conducteurs ne pouvant se résigner à ralentir, poursuivent la course dans des conditions très inconfortables. Le public, quant à lui, passionné et insensible au mauvais temps, attend les ravitaillements et le changement de pilote, moment stratégique où chaque minute compte.

Bientôt la nuit fait son apparition et amène son lot d’incertitudes sur la tenue des véhicules, la fiabilité de leur mécanique, en particulier sur l’éclairage qui va être mis à rude épreuve. C’est le moment où les lampes à arc entrent en action, laissant des points lumineux apparaître et disparaître au gré des passages devant les stands, enfin pour les voitures encore aidées par ces éclairages, beaucoup ayant subi les affres de la pluie. Plusieurs véhicules, faute d’éclairage suffisant, ont fini leur course dans le bas-côté: heureusement, aucun incident sérieux n’est à déplorer durant la nuit. Tandis que les heures avancent, les voitures conservent une bonne allure, se regroupant au gré de leur rapidité à avaler les kilomètres. Quelques abandons sont à noter ainsi que l’arrêt de la pluie qui laisse un peu de répit aux conducteurs.

Arrivée du vainqueur

Dans le peloton de tête, les trois voitures de Chenard-Walker se distinguent devant la Bentley, gênée par la piste boueuse qui l’alourdit et freine sa vitesse. Bien que retardé par son réservoir d’essence troué par un projectile et qui l’oblige à s’arrêter pour le réparer, le pilote de la Bentley finit par remonter dans les tours pour terminer à la 3ème place, laissant la Chenard-Walker n° 11 à la 7ème place. Le sommet du podium est remporté par la n° 9 de Lagache et Léonard et la n° 10 de Bachmann et Dauvergne.

Le classement du doublé Chenard-Walker a montré toutes les qualités de la marque; c’est également une victoire pour les Lorraine-Dietrich, Rollan-Pilain ou Bignan. Le succès de cette course revient, pour une majeure partie, à l’endurance dont ont fait preuve automobiles, pilotes, mécaniciens et dans une moindre mesure, le public qui a suivi de bout en bout cette épreuve, manifestant un engouement pour cet évènement qui ne s’est jamais démenti depuis 1923.

Victoire des Chenard-Walcker

Victoire des Chenard-Walcker, L'Auto, 29 mai 1923

Coupe Rudge-Whitworth

La coupe Rudge-Whitworth, L'Auto, 14 juin 1923

En savoir plus

* Gérard de Cortanze : La Légende des 24 Heures du Mans, Paris, Albin Michel, 2018

* La destinée de Lagache et Léonard et de la Chenard-Walcker : Lire l'article

* L’évolution du circuit des 24 Heures du Mans depuis 1923 : Lire l'article

* L’histoire des 24 Heures du Mans 1923 : Lire l'article

Par Evelyne Ruis