Le dossard d'Alain Mimoun
Décembre 1956 : Alain Mimoun entre dans la légende olympique !
Alain Mimoun fut un coureur de fond hors du commun avec un palmarès exceptionnel. Il fut détenteur de 32 titres de champion de France et de 20 records de France, plusieurs titres européens et mondiaux. Mais c’est surtout dans les pages de la grande histoire des jeux Olympiques que le souvenir de Mimoun s’illumine.
Rivalité et amitié sportive
Le destin d’Alain Mimoun fut très lié à celui du Tchèque Emil Zatopek. L’ombre de la foulée de ce dernier a rythmé la trajectoire éblouissante de celui qui fut tirailleur algérien, blessé à Monte Cassino dans l’offensive héroïque et déterminante des troupes du Maréchal Juin durant la seconde Guerre Mondiale.
En 1948, dans les artères de Londres, lors du 10.000 m, il s’arrache pour terminer à la seconde place. Devant lui, «la locomotive humaine» Emil Zatopek, qui au passage devait découvrir celui qui allait devenir son adversaire le plus aimé.
Quatre années plus tard, en 1952 à Helsinki, Mimoun est remarquablement présent. Doté d’un sens aigu de la tactique et d’une expérience méticuleuse des faux rythmes imposés par ses adversaires, et surtout par la cadence désarticulée et infatigable d’Emil, Mimoun parvient à rivaliser avec le dieu Zatopek.
Lors du "plus terrifiant de tous les 5000m", on sent Mimoun prêt à jouer un mauvais tour à son rival direct, prêt à toucher au Graal des jeux : l’or. La course est menée tambour battant, plusieurs athlètes sont dans une forme incroyable. Certains peuvent prétendre indiscutablement à la première place, parmi eux les Britanniques Chataway et Pirie, l’Allemand Schade et bien sûr Mimoun.
Finalement, deux coureurs s’affranchissent et fournissent les plus belles photos de la rivalité et de l’amitié sportive. A la sortie du dernier virage Zatopek et Mimoun sont au coude à coude, Emil sentant que la victoire peut lui échapper trouve dans une foulée de rage l’énergie pour accélérer et se défaire de l’impétueux Mimoun. Ce n’est que partie remise.
Zatopek et Mimoun s'étreignent à Londres en 1948.
1956 : dossard n°13
Le 1er décembre 1956 aux jeux Olympiques de Melbourne, dossard 13, dans la fournaise d’un été brulant de l’hémisphère sud, Mimoun remporte l’épreuve du marathon et surpasse tous ses adversaires, surtout Zatopek.
Une légende annonçait que tous les 28 ans, un Français remporte un titre olympique au marathon. Après Théato en 1900 à Paris, El Ouafi à Amsterdam en 1928, Mimoun confirme.
Sa victoire fut un triomphe. Une somptueuse ode au courage et à la persévérance. A 36 ans, Mimoun sait que c’est certainement sa dernière chance de décrocher l’or. En conquérant, dès le début il décide de faire la course en tête. La chaleur ne l’effraie guère, il souffre mais assure une foulée régulière et constante. Au 20ème Km, il vire en tête devant le Yougoslave Mihalic, le Finlandais Karvonen, les Soviétiques Filine et Ivanov et l’Américain Kelly.
Mais où est Emil ?
Après 30 Km il subit un coup de fatigue, sa foulée se raccourcit. Les trois kilomètres de fin sont un enfer. Il faut trouver au plus vite les ressources pour ne point sombrer dans la peur du retour des poursuivants et ce diable d’Emil, peut être qu’il cache son jeu pour surgir tel un éclair ?
A 17H 47 précises Mimoun, seul, débouche du tunnel et entre dans le stade sous l’ovation de 100 000 spectateurs. Plus que 300m et il est champion olympique. Son visage est marqué par la douleur. Aucune lueur de bonheur ne transparait, il faut terminer et savourer ensuite. Finalement, le plaisir est atteint, Mimoun est champion olympique. Une seule chose le préoccupe après sa victoire : où est Emil ?
Le maître tchèque termine à la sixième place.
"Mimoun au soir de sa carrière a enfin battu son rival. Leur accolade fut celle de deux grands amis."