Mondial 82

Olé ! España !

Projet de Luigi Castiglioni pour l'affiche du Mondial de football 1982

Le soleil d'Espagne, les étoiles du football et la nuit de Séville

Un pays enfin stable accueille cinq continents

Le début des années 1980 convoque l’image d’une Espagne à doubles facettes. Il y a d’une part, les convulsions politiques et la ferveur d’accueillir la Coupe du monde de football.

La marche démocratique s’installe difficilement. Succédant en 1975 au défunt général Francisco Franco à la tête de l’Etat, le roi Juan Carlos rétablit la monarchie parlementaire, mettant fin à trente-neuf ans de dictature. En 1978, une constitution démocratique élargit l’autonomie des régions pour répondre aux multiplications d’actes terroristes orchestrés par les mouvements indépendantistes. En 1981, une ultime tentative de coup d’Etat déstabilise le pays. Finalement, le calme s’installe avec l’accession au pouvoir du Parti Socialiste.

L’organisation de la 12ème édition de la Coupe du monde de football, en 1982, plus connue comme le Mundial 82 offre l’image d’un pays uni, resplendissant et heureux d’accueillir la manifestation sportive la plus suivie dans le monde.

Il faut remonter au 6 juillet 1966 lors de la session de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), l’instance dirigeante du football internationale, pour la désignation de l’Espagne comme pays hôte de la Coupe du monde de 1982. Pour cette première (l’Espagne n’avait jamais accueilli le tournoi), la FIFA décide d’élargir le nombre de participants à la phase finale. De seize, on passe à vingt-quatre pays : Europe 13 qualifiés, Amérique du Sud 3, Afrique 2, Asie-Océanie 2, Concacaf (Amérique du Centre et du Nord) 2, auxquels il faut ajouter l’Espagne en tant que pays organisateur et l’Argentine, tenant du titre de champion du monde acquis en 1978.

Le football franchit un nouveau palier vers l’internationalisation puisque les équipes des cinq continents (six confédérations) sont présents. Du 13 juin au 11 juillet, les meilleurs footballeurs de la planète s’affrontent. Aux vues du palmarès et des qualités de certains joueurs, le quatuor des favoris est : le Brésil, l’Allemagne, l’Argentine et l’Italie. Les stars sont attendues pour briller dans de prestigieux stades du FC Barcelone (Camp Nou), Real Madrid (Santiago Bernabéu) ou de l’Atletic Club Bilbao (San Mamès).

L'art s'invite à la fête

Le comité d’organisation demande aux artistes de renommée de réaliser les affiches. La célébration du ballon se couple avec l’expression d’artistes marquants, espagnols et étrangers. Joan Miro réalise l’affiche officielle. D’autres célébrités participent à donner à cette compétition une touche unique.

Les affiches des villes hôtes sont le témoin de la sublime inspiration d’Eduardo Arroyo (Madrid), Antonio Tapiés (Barcelona), Jacques Monory (Vigo), Valerio Adami (Valencia), Jean-Michel Folon (Zaragoza), Kolar Jiri (Elche)… Comment Luigi Castiglioni pouvait-il résister à afficher sa passion pour un jeu qu’il apprécie et également pour un pays qui a donné tant d’artistes qu’il estime (Salvator Dali, entre autres)?

Sa réalisation pour le Mundial 82 dans laquelle surgit un taureau entouré du soleil brulant d’Espagne est une formidable façon d’être au cœur de l’événement.

L'affiche de Luigi Castiglioni

Exploits, surprises et nuit de cauchemar

Revenons au ballon. La passion mondiale du football se révèle. Les rencontres sont diffusées sur les cinq continents, dans 140 pays et devant un milliard de téléspectateurs. Le monde du football est excité. De nombreuses questions interpellent. On veut savoir comment joue la nouvelle star du football mondial, la pépite argentine de 22 ans Diego Maradona ? Va-t-on vibrer avec cette formidable équipe du Brésil portée par Zico «le Pelé Blanc» ? Est-ce que la France emmenée par son brillant meneur de jeu Michel Platini décrochera enfin son premier titre international ? Est-ce que la RFA (République Fédérale d’Allemagne) déjà vainqueur du championnat d’Europe des Nations en 1980 poursuivra sa dynamique de victoire en remportant la Coupe du monde 82 ?

Finalement, le tournoi offre de belles surprises. L’Afrique se met en valeur. Le Cameroun est invaincu en trois rencontres et réalise un match nul contre l’Italie, vainqueur de la compétition ? et l’Algérie réussit l’exploit de battre la redoutable équipe d’Allemagne. Le match qui reste dans les mémoires est sans nul doute la demi-finale France-Allemagne, à Séville. En menant 3 à 1 à quelques minutes de la fin du coup de sifflet final, les Tricolores ont cru à la victoire. Malheureusement, la rencontre bascule, les Allemands reviennent au score pour définitivement remporter le match aux tirs aux buts. Cruel sort pour les Bleus et pour toute une nation! La rencontre connait une telle dramaturgie et un tel sentiment d’injustice qu’elle est encore débattue plusieurs années plus tard en France. « Aucun film au monde, aucune pièce ne saurait transmettre autant de courants contradictoires, autant d’émotions que la demi-finale perdue de Séville » révèle le capitaine des Bleus Michel Platini en évoquant cette fameuse nuit de Séville dans le stade Sanchez Pizjuan où 70 000 spectateurs ont assisté à l’un des plus grands matchs de football.

C’était au Mundial 82, en Espagne.

Aucun film au monde, aucune pièce ne saurait transmettre autant (..) d’émotions que la demi-finale perdue de Séville

Michel Platini

Par Claude Boli , Responsable scientifique du Musée national du Sport