Un jeu à en perdre la boule !

Selon les écrits retrouvés au fil des siècles, les jeux de boules semblent être âgés d’environ 2500 ans. Ils sont plus ou moins définis par une règle : constituer des équipes, lancer des boules au sol en les regroupant autour d’un « petit » ou « cochonnet » et gagner un maximum de points. Loisir partagé par une population assez large qui n’hésite pas à se lancer des défis, le but est de déclarer un vainqueur et éventuellement «punir» le vaincu de manière généralement ludique.

Pour des raisons obscures, ces jeux ont été épisodiquement défendus de pratique mais, avec un attrait passé au-delà de ces interdits, il s’est spécialisé selon les régions : ainsi, sont apparues des variantes en Flandres, autour de la Loire, dans la région lyonnaise mais également en Provence pour ne citer que ces lieux.

Aujourd’hui, à l’échelle locale, nationale et même internationale, les jeux de boules connaissent un succès qui ne se dément pas et voient les fédérations se multiplier de manière exponentielle.

 

Origine des jeux de boules 

Boules en pierre, en bois, en métal, petites ou grosses, lancées avec ou sans élan, roulées, les pieds au sol ou joints, sur un terrain plat ou incurvé, naturel ou sablonneux, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les règles !

Autant de variantes que de régions ou presque, tel est le jeu de boules.

Déjà décrit dans l’Antiquité, son évolution a suivi celle de ses joueurs et sa pratique a été accueillie avec un grand succès par le peuple, souvent par la noblesse et, épisodiquement par le clergé. Cependant, l’activité a été plusieurs fois interdite au fil des époques, peut-être au nom de l’ombre faite au pouvoir dirigeant ou pour détournement des obligations religieuses ou militaires de chacun.

Malgré cela, l’appel des boules et du but a été le plus fort et chaque région a revisité ce jeu au gré de règles locales tout en gardant une base commune.

 

Une région semble avoir été précurseur dans cette discipline : la région lyonnaise. Dès 1850 est créée une société « Le Clos Jouve », où se pratique un jeu typique de Lyon appelé « La Lyonnaise », (officiellement le « sport-boules ») et qui se joue aussi dans les départements avoisinants, dans les Pyrénées et en Ile-de-France. Il se caractérise par un terrain assez long sur lequel de grosses boules sont lancées avec de l’élan. Les boules, à leurs débuts, étaient en buis recouverte de clous mais de nos jours, sont en bronze et généralement creuses.

boule lyonnaise cloutée, exposition de Montréal. Coll MNS 2373

médaille jeu de boules lyonnaises côté face

Médaille d'un bouliste, hommage au jeu de boules lyonnaises, côté face. Coll MNS 5715.

Médaille rendant hommage au jeu de boules, côté pile

Médaille rendant hommage à la vallée du Rhône, berceau du jeu de boules, côté pile. Coll MNS 5715.

Naissance des boules carrées

Lyon a vu naître également le jeu de boules carrées, inventé en 1899 et qui présente l’avantage de pouvoir jouer sur un terrain en pente. La forme de ces boules en bois de 9 à 10 cms de côté accompagné d’un «petit» de 3 à 4 cms de côté, aux règles quasi identiques à celles de la pétanque née quelques années plus tard, a une influence certaine sur leur trajectoire, ce qui donne à ce jeu essentiellement pratiqué lors de fêtes villageoises un sens toujours convivial lors des concours de boules carrées.

jeu de boules carrées

Jeu de boules carrées et son "petit" 

Le jeu provençal et la pétanque

Face à «La Lyonnaise», se développe durant le 19e siècle en pays méridional un jeu de boules aux règles moins restrictives, le jeu provençal ou «Longue», avec un terrain moins encadré et un lancer dont la prise d’élan est plus courte que celle de la Lyonnaise. Il est également plus stylé dans sa pratique, ce qui le rend plus difficile à pratiquer.

préparation des trois pas du tir à la Longue

Un joueur de Longue se prépare à exécuter les trois pas pour tirer une boule.(Wikipedia, début du 20ème siècle)

C’est durant cette période qu’apparaissent également les variantes propres à chaque région.

Le jeu provençal voit naître au début du 20e siècle une autre forme de jeu de boules qui allie un terrain plus court, des boules plus petites et surtout un lancer à pieds joints et sans élan; c’est la pétanque, nom dérivé de «pieds tanqués» pour dire qu’ils sont joints et au sol. Cette nouvelle version de ce sport est issue de la décision d’un joueur de jeu provençal Jules Hugues dit «Lenoir» qui ne pouvait plus se mouvoir comme il le souhaitait. Il décide alors de lancer ses boules à partir d’un cercle et avec les pieds joints.

Grâce à ces deux points que sont la longueur du terrain et le jeu à pieds joints, la pétanque s’est implantée sur toutes les surfaces de terrain possible, sa présence se révélant principalement dans les régions du sud de la France pour gagner petit à petit tout l’Hexagone, petits et grands s’y adonnant sans distinction surtout en période estivale.

triplette de boules de pétanque du célèbre chanteur Henri Salvador

Triplette de boules de pétanque ayant appartenu au célèbre chanteur Henri Salvador.

Coll MNS.2023.42.1.

 

Quelques particularités locales

La bourle et la boule flamande, très pratiquées au début du 20e siècle, elles se jouent encore dans certaines communes du Nord de la France. A la différence de la Lyonnaise, du jeu provençal ou de la pétanque, les boules sont de gros disques «les bourles» dont les côtés sont asymétriques et devant atteindre une cible, «l’étaque». Les équipes peuvent être constituées de 2 à 14 personnes.

Jeu de bourles en Flandres, Rémy Gogghes, 1911

Le jeu de bourles en Flandres, Rémy Gogghes 1911. (Wikipédia, Roubaix, musée La Piscine)

 

 

Boules de Flandres

Boules de Flandres. Coll MNS 2006.34.8.1

La boule de Fort : pratiqué dans la région d’Angers, de manière certaine depuis le 18e siècle, sur un terrain couvert et incurvé avec des boules cerclées de métal et légèrement écrasées de chaque côté, le but est de rapprocher ces boules du «maître ou petit». La difficulté réside dans la forme du terrain et des boules, transformant la course de celles-ci en folle et capricieuse.

Boule de fort, L’Auto, le 15/06/1905

boule de fort

Boule de fort et son cerclage. (Le kiosque.org , 18/10/2024)

 

partie de boules de fort à Candé sur un terrain incurvé

Une partie de boule de fort à Candé sur un terrain incurvé, au début du 20e siècle (Wiki-Anjou.fr, 06/02/2021 )

La boule nantaise

Cousine de la boule de fort, cette boule de forme classique et de taille proche de la boule lyonnaise, se pratique sur un terrain incurvé, ne peut pas être lancée mais seulement roulée. Elle possède ses règles spécifiques, comme le fait d’avoir un pied toujours en contact avec le «talon», planche de bois fixée en début et fin de terrain.

Partie de boules nantaises

Une partie de boules nantaise.(La bouledeproce.com)

Une variante de la boule nantaise est la boule de sable qui se joue sur... du sable. Assez lourde, elle est constituée uniquement de bois et possède un trou pour la lancer. Elle est toujours transportée dans de l’eau pour éviter qu’elle ne se fendille.

Boules de sable et le trou percé pour la prise en main

Boule de sable avec son trou pour la prise en main.(petanquesaujonvaux.clubeo.com)

La boule bretonne

La boule bretonne: pratiquée essentiellement dans le Morbihan et l’Ille-et-Villaine, elle s’apparente, par son diamètre, plus à la boule lyonnaise qu’à la pétanque. Elle possède des règles particulières comme le lest à l’intérieur de la boule, un terrain varié de goudron, d’herbe, de sable,... et d’une longueur un peu plus importante que celle du terrain de pétanque. Ce jeu est essentiellement un jeu de loisir, créé pour le plaisir de participer et de se retrouver.Comme dans tout jeu régional, chaque localité souhaite conserver ses règles, d’où quelques variantes au sein même de ce jeu.

Joueurs de boule en Bretagne

Les joueurs de boules de Théophile Deyrolles,1887 (Wikipédia, musée des Beaux-arts de Quimper).

Jeux Olympiques de 1900, Paris 

Aux Jeux Olympiques de 1900 à Paris, le jeu de boules est inscrit au programme des disciplines de «sports athlétiques».

Présenté par le préfet Lépine dans le cadre de l’exposition universelle qui se tient à Paris, le jeu de boules, décliné sous la forme lyonnaise et la forme parisienne, cette dernière étant moins connue et pratiquée par seulement quelques dizaines de joueurs, est alors considéré comme un sport de démonstration.

Aujourd’hui, bien que pratiquée dans le monde entier, la pétanque n’a pas été autorisée à devenir un sport de démonstration aux Jeux Olympiques de 2024.

Embrasser Fanny 

Quant à Fanny, selon des recherches historiques et généalogiques, il s’agit d’une «brave fille» de Lyon qui n’avait pas toute sa tête mais qui était quotidiennement présente sur les terrains de boules et toujours prête à montrer ses rondeurs pour une petite pièce. Devenue une sorte de figure locale, elle a fini par représenter la «punition» infligée au perdant n’ayant obtenu aucun point, à savoir embrasser le postérieur de la Fanny devant toute l’assemblée de joueurs.

De nos jours, le perdant offre une tournée générale.

Un joueur perdant embrasse sur un tableau le posterieur de Fanny

Le perdant embrasse le postérieur postiche de Fanny tandis que la cloche est sonnée.

Wikipedia, www.francepetanque.com

 

 

Par Evelyne Ruis