Les épreuves d’aérostation des Jeux olympiques de 1900

Focus sur les collections sportives du Musée de l'Air et de l'Espace

Carte montrant les résultats du concours final de durée et de distance du 9 octobre 1900 - Rapport officiel de l'Exposition universelle

 

Après les premiers Jeux olympiques d'Athènes en 1996, Paris doit organiser la IIe Olympiade en 1900. A la grande insatisfaction de Pierre de Coubertin, le restaurateur des Jeux moderne, le gouvernement de l’époque imposera la concomitante de ces Jeux avec la nouvelle Exposition universelle : « Les concours de l'Exposition tiennent lieu de Jeux olympiques pour 1900 et comptent comme équivalent de la deuxième Olympiade ». Les Jeux, sobrement dénommés « concours internationaux d'exercices physiques et de sports » et connus aussi sous le nom de Jeux de la IIe olympiade, auront lieu sur toute la durée de l’Exposition Universelle, de mai à octobre 1900.

La commission supérieure des exercices physiques et des sports annonce un programme ambitieux lors de sa séance du 10 mars 1900. Le programme de ces Jeux est clairement le plus riche et éclectique qu'il soit : le saut en longueur à cheval ou la natation font leur apparition de même que plusieurs épreuves automobiles ainsi que l’aérostation. Une multitude d’épreuves sont prévues, plus de 477, mais seules 95 seront ultérieurement considérées comme olympiques. Les concours de ballon comme la pêche à ligne ou le tir au canon feront partie des épreuves non reconnues. 

La section X d’Aérostation est organisée par M. le commandant Paul Renard, sous-directeur de l'Établissement central d'aérostation militaire de Chalais-Meudon, M. Louis Godard, constructeur-aéronaute, M. le commandant Hirschauer, attaché à l'Établissement central d'aérostation militaire de Chalais-Meudon, M. le capitaine Pezet, attaché à l'Etablissement central d'aérostation militaire de Chalais-Meudon et M. le comte Henry De La Vaulx, vice-président de l'Aéro-Club .
24 épreuves seront organisées pour l’Aérostation et auront lieu dans une annexe de l’Exposition, au bois de Vincennes. Elles se dérouleront sur 15 journées entre le 17 juin et le 9 octobre. 156 vols auront lieux, pilotés par les 46 pilotes français qui participent sur 48 ballons différents : des ballons libres, des ballons historiques et des aéroplanes. Quatre types d’épreuves sont disputées dans le cadre des Jeux olympiques : la durée de vol, l’altitude, la course au clocher, qui vise à s’approcher aussi près que possible d’un objectif déterminé à l’avance, et enfin la distance maximale. 

D’autres événements, non inscrits au programme auront aussi lieu : méthodes de gonflement, comptes rendus d'aérostation, cerfs-volants, ballons-sondes et photographie aérienne.

Dans le règlement des épreuves du concours de ballon sont mentionnées les modalités d’évaluation des performances. A savoir : les certificats et lettres en blanc signés par des témoins de la descente ou des escales, les lettres jetées en cours de route, les instruments de contrôle sont remis scellés, des sacs de lest plombés numérotés. Enfin, le concurrent rempli un livre de bord et doit envoyer un télégramme au plus tôt après son atterrissage indiquant l’heure de descente et la ville la plus proche.

Ballon libre "Le Saint-Louis" en cours d'ascension  

Monde et Caméra/Coll.musée de l'Air et de l'Espace-Le Bourget  (2014/1/98)

Rapport officiel des épreuves d'aérostation et règlements des concours de ballons libres


Sous-Commission de l'Aérostation/Coll.musée de l'Air et de l'Espace-Le Bourget (GF°12461)
Imp.L.Gérard/Dépot des Ailes Brisées/Coll.musée de l'Air et de l'Espace-Le Bourget  (DAB B47 - 17)

Avec les Jeux olympiques de 1900, l’aérostation devient une compétition, ce qui suppose une égalité entre les différents concurrents. Un certain nombre d’épreuves impliquent de lester les ballons, afin qu’ils soient tous à égalité, alors que l’aérostation envisagée comme moyen de locomotion visait plutôt à obtenir la machine la plus efficiente possible.

Le classement au cours de quatorze épreuves de vol détermine les pilotes autorisés à concourir pour la grande finale, qui se déroule le 9 octobre, sous la forme d’une course de distance.  

Dans ces quatorze épreuves dites de ballon libre sont demandé aux concurrents d'aller le plus loin possible, de rester en l'air le plus longtemps possible, d'aller le plus haut possible ou d'atteindre au plus près possible d'un point soit désigné à l'avance au concurrent, soit choisi à l'avance par lui. Huit natures de concours sont proposées : entre ballons de cubes sensiblement égaux, entre ballons de volumes différents, durée, distance, altitude, distance minimale par rapport à un but imposé aux concurrents, distance minimale par rapport à un but choisi par l'aéronaute.

A chaque réussite, les participants capitalisent des points. Les vainqueurs par concours sont :
• 17 juin, Concours de durée pour ballons libres montés (malgré des orages violents) : Jacques Balsan
• 24 juin, Concours d'altitude pour ballons libres montés : Jacques Balsan à bord du « Saint-Louis » atteint 8 558 mètres
• 15 juillet, Concours de distance minimum par rapport à un point déterminé à l'avance pour ballons libres montés : Maurice Guffroy
• 22 juillet, Concours de distance minimum par rapport à un point choisi à l'avance par l'aéronaute : Henry de La Vaulx
• 29 juillet, Concours d'altitude pour ballons libres monté : Georges Juchmès
• 19 août, Concours de distance minimum avec escale : Jacques Faure
• 16 septembre, Concours de distance minimum par rapport à un point choisi à l'avance par l'aéronaute, Jacques Balsan
• 16 septembre, Concours de durée pour ballons libres montés : Henri de la Valette se pose à seulement à 800 mètres du prieuré qu'il a choisi, situé près de Senlis dans l'Oise. A noter qu’Henry de La Vaulx bat aussi le record de vol en 35 heures et 45 minutes.
• 30 septembre, Concours de plus longue distance parcourue pour ballons libre montés : Henry de La Vaulx qui se pose près de Kiev après avoir parcouru 1 925 km. Jacques Balsan sera 2ème avec une distance parcourue de 1 222 km.

Six ballons sont autorisés à s’envoler pour la finale du 9 octobre.
Portés par un vent vers l’est favorable, tous les concurrents franchissent la frontière allemande. Seuls les deux derniers en lice, Balsan et le Comte de La Vaux, qui suivent une trajectoire très similaire, survolent la Russie à partir du 10 octobre. Balsan atterrit à 1 345 km de son point de départ, au sud de Varsovie, tandis que le comte de La Vaux poursuit son ascension vers l’Ukraine et atterrit au petit matin près de Korostychev, dans les environs de Kiev. Les conditions matérielles étaient réunies pour poursuivre le vol au-delà des 1 922 km parcourus, mais les aéronautes n’ont pas osé poursuivre au-dessus d’une forêt dont ils ne possédaient aucune carte. 

Est ainsi établi, à l’occasion de ces deuxième Jeux olympiques, le record du monde de distance, avec 1 922 km parcourus entre Vincennes et la Russie. Est également établi, à 35h45, le record de la durée de vol sans escale. 

Le grand prix de l’aéronautique est établi en additionnant les résultats obtenus lors des différentes épreuves, selon un système de points. Avec 5 080 points, Henry de La Vaux, vainqueur de la grande finale, devance ses concurrents et remporte aisément ce prix. 

Le ballon "Le Saint-Louis", au départ pour le record d’altitude (8 558 m), au Parc aérostatique de l'annexe de Vincennes, le 23 septembre 1900.   

Monde et Caméra/Coll.musée de l'Air et de l'Espace-Le Bourget MC 8056
 

Cet exploits d'Henry de La Vaux, fondateur en 1898 de l’aéroclub de France puis membre fondateur et président de la Fédération aéronautique internationale est représenté dans l’assiette commémorative ci-dessous comme le "deuxième voyage en Russie", l’Ukraine étant alors partie intégrante de l’empire russe. Toutefois, le premier voyage en Russie par ballon ne date que de quelques jours auparavant, puisque le premier aéronaute à survoler l’empire de Russie n’est autre qu’Henri Comte de la Vaux lors de l’épreuve de distance du 30 septembre 1900 ! L’aéronaute a en effet atterri en Pologne, à 1 200 km de Vincennes. Ainsi, cette assiette commémorative en faïence de Nevers atteste de l’importance des exploits sportifs pour le public (représenté ici nombreux et dont on connait l'intérêt pour les épreuves d'aérostation grâce à la presse), mais également de son importance politique, dans le contexte d’un rapprochement franco-russe. Cette assiette, comme en écho à la foule représentée, atteste de l’important retentissement des épreuves aérostatiques de l’exposition universelle de 1900, seconds Jeux olympiques modernes. 

Assiette décorative

Assiette décorative (faïence)
A.Hiver d’après une aquarelle d’Albert Tissandier (1839-1906)
Nevers, début du XXe siècle

Coll.musée de l'Air et de l'Espace-Le Bourget (DAB 2096)

Les émotions et la ferveur du public durant ces Jeux de la IIe Olympiade permettront aux organisateurs de justifier l’engouement pour la remise en place des jeux. Cependant, les historiens du sport porteront un jugement plus mitigé sur l’organisation conjointe avec l’Exposition universelle (en 1900 et 1904) qui empêche de porter la valeur pédagogiques et sportive de la manifestation et n’aura pas permis la création d’infrastructure spécifique. Les articles de presse se consacrant souvent plus sur cette dernière manifestation plus que sur les Jeux olympiques eux-mêmes.