Clemenceau et la naissance du sport moderne

Focus sur les collections sportives du musée Clemenceau.

XXIIIe fête fédérale de l’Union des sociétés de gymnastique de France. Clermont-Ferrand – 19 et 20 mai 1907 - Carte postale

 

Georges Clemenceau est sensible à la naissance du sport moderne, ce dispositif social totalement inédit, promouvant l’organisation démocratique des clubs, la participation ouverte à tous, les compétitions hiérarchisées de sélection en sélection, l’organisation regroupant les clubs en « fédération », la nécessité enfin de financements publics pour faire vivre une telle institution. Il y est sensible, même si sa pratique de sportsman, plus individuelle, échappe à de tels agencements aussi populaires qu’inédits. Il y est sensible, puisqu’il préside en 1908 le congrès annuel de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA), premier grand regroupement des sociétés sportives françaises, témoignant ainsi d’un « puissant encouragement pour cette grande fédération », assure L’Auto, le journal sportif du temps. Il y est sensible, puisqu’il accepte en 1918, alors président du conseil, de devenir le président d’honneur de la Ligue centre-ouest de football ; reconnaissance dont les sociétaires attendent une « émulation » toute particulière. De même, qu’en 1919, il encourage le Comité Olympique Français de proposer et soutenir la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 1924. Le Tigre comprend que la création du sport est un incontournable fait socio-culturel.
Reste que Georges Clemenceau mesure les excès possibles de la passion sportive, ses limites aussi, commentant sobrement les premiers exploits des courses cyclistes aux parcours interminables, tels Paris- Brest : « Que l’homme machine à courir ne méprise pas trop l’homme machine à penser. Qu’ils essaient plutôt, tous deux, de faire parfois un échange pour se reposer ».

ENGOUEMENT POUR L'ÉDUCATION PHYSIQUE

Georges Clemenceau est un amoureux de la Grèce ancienne, de son éducation, de sa démocratie, ses paysages l’éblouissent, comme ses monuments, sa culture, son passé. Des voyages se répètent, il y avoue son attachement, il y appelle des amis, lui qui écrira un livre sur Démosthène. Vibrante encore est son admiration pour Olympie, vibrante son évocation des lieux, son attention aux vestiges, sa réminiscence des gestes passés : « Vingt fois je suis allé à Olympie, vingt fois ! Ah ! Olympie ! Le cirque... Vous avez devant vous cette chose... et quand en remuant la terre avec vos pieds, vous apercevez la bande blanche qui marquait le départ des coureurs, si vous ne ressentez rien, c'est que vous êtes de bois... ». L’éducation des corps, leur épanouissement sous-tendent de telles affirmations : la gymnastique de la république athénienne, la formation physique des jeunes grecs. Souvenir sans doute des lycéens de la deuxième moitié du XIXe siècle appelés à admirer une Grèce fondatrice de civilisation.
Un tel intérêt se prolonge par une volonté explicitement éducative. Georges Clemenceau participe activement à l’appel de Paschal Grousset (1844-1909), journaliste au Temps, créant, en 1888, une Ligue nationale de l’éducation physique, soutenue également par le chimiste Marcelin Berthelot (1827-1907), ministre de l’Instruction publique de 1886 à 1887. L’enjeu est d’accroître le poids de cet enseignement, devenu obligatoire depuis peu, le rendre plus systématique, accroître le nombre de ses enseignants, rendre publiques et visibles ses manifestations, favoriser davantage la gymnastique et les jeux que le sport jugé « trop » compétitif. C’est dans le même esprit encore que Georges Clemenceau fait partie du comité d’honneur de premier Congrès international d’éducation physique, organisé par la France du 17 au 20 mars 1913, manifestation majeure, multipliant les participants, prônant un « renouveau » éducatif, où le discours inaugural du Président de la République prétend profiler l’avenir : « Les vertus de l'éducation physique sont telles qu'on la conçoit dans un société idéale intervenant dès la naissance dans la vie des sujets et des sexes, faisant partie de la culture quotidienne, à l'école, dans les lycées, dans l'enseignement supérieur, au régiment, et n'abandonnant ses fidèles qu'après l'épanouissement complet de leurs facultés ou même tout au déclin de leur carrière ».