Des prothèses médicales aux para-sports

Focus sur les collections sportives du musée de l'AP-HP.

Gantelet de soutien du poignet, 1968, photographie (45/FI/204)

 

Réadapter, rééduquer, réinsérer

Dès l’Antiquité, des prothèses et orthèses rudimentaires assurent l’autonomie et la mobilité des estropiés. Elles se modernisent à partir du XIXe siècle avec l’apport de nouveaux matériaux. La mise au point de l’anesthésie au chloroforme, jointe aux progrès significatifs de l’asepsie, ouvre la voie à un renouveau de la chirurgie réparatrice en allongeant la durée des interventions opératoires sur les patients. On aboutit ainsi, dans les années 1950, à la création de la médecine de rééducation et de réadaptation. En restituant tout ou partie d’un membre estropié, la médecine vise aussi à la réinsertion du patient dans le corps social. L’essor de ces nouvelles formes thérapeutiques incite à développer une réelle pratique sportive adaptée aux personnes handicapées. Du jeu à la compétition, il n’y a qu’un pas, rapidement franchi : dès 1948, dans un hôpital militaire à Stoke Mandeville (Grande-Bretagne), le docteur Gutmann organise des compétitions de tir à l’arc et de basket en fauteuil roulant pour d’anciens pilotes de la Royal Air Force devenus paraplégiques. En 1952, des compétiteurs néerlandais les rejoignent et le tournoi de Stoke Mandeville devient une manifestation annuelle. L’idée de créer des Jeux paralympiques est née. 

Réadapter le corps 

Les béquilles font partie de la vie quotidienne hospitalière au XIXe et au début du XXe siècle. On les trouve dans de nombreux services, et pas uniquement dans les services orthopédiques. Elles matérialisent le plus élémentaire soutien à la mobilité des patients.

Les orthèses, prothèses et fauteuils roulants constituent des instruments irremplaçables pour assurer l’indépendance fonctionnelle et l’inclusion sociale des personnes en situation de handicap. Héritiers des prototypes anciens des siècles précédents, c’est seulement au XXe siècle, grâce aux évolutions techniques, à l’arrivée de la robotique et à de nouveaux matériaux plus légers, que ces trois types d’appareils améliorent sensiblement le quotidien de leurs propriétaires. Les orthèses permettent l’appareillage d’un bras invalide. La spécificité de la crémaillère au niveau du coude permet de bloquer l’articulation ou de la laisser libre sans manipulation de manette, et ainsi de procurer de l’autonomie à la personne appareillée. En 1938, cet objet a reçu le premier prix du concours annuel des inventions les plus utiles aux mutilés appareillables. Jusqu’au XVIe siècle, les personnes impotentes sont transportées à bras d’homme, sur des brancards, dans des brouettes, à moins qu’elles ne se meuvent seules, en s’appuyant sur de simples poignées de bois pour s’élever au-dessus du sol.


(gauche) Béquille, XIXe siècle, bois (Inv. AP 2003.18.57)
(droite) Société Proteor, Prothèse de jambe fémorale n° 83, vers 1930, métal et bois (Inv. AP 2012.4.1)

Un des premiers fauteuils sur roue est conçu pour le roi d’Espagne Philippe II (1527-1598), atteint de la goutte. Au XVIIe siècle, son usage se développe dans les cours d’Europe : un modèle propulsé à l’aide d’une manivelle à bras est conçu en 1655 par Stephan Farfler. Le nombre important de blessés liés à la Première Guerre mondiale va largement développer l’utilisation de ces fauteuils et tricycles roulants. En 1933, les américains Everest et Jennings inventent un modèle pliable, transformé en 1950 grâce à un moteur électrique permettant sa propulsion. À la même période, on commence à concevoir des fauteuils roulants dédiés à certaines activités sportives. Aujourd’hui, la recherche se poursuit afin d’améliorer le confort et la stabilité des fauteuils, notamment dans le franchissement des obstacles et des dénivelés. 

Fauteuil articulé à grandes roues, 2e moitié du XIXe siècle, bois et cannage (Inv. AP 94.66.1)

Faciliter la réadaptation 

La loi Cordonnier du 2 août 1949, relative à l’aide aux aveugles et grands infirmes, oblige les établissements hospitaliers à mettre en place des services de rééducation et réadaptation fonctionnelle. Il s’agit de donner la possibilité à un patient ayant perdu ses capacités physiques de se réinsérer dans la société malgré son handicap. La notion de réadaptation se diffuse alors dans les établissements hospitaliers français. Il n’est plus uniquement question de prodiguer des soins aux patients, mais bien de les accompagner en leur réapprenant à vivre au quotidien avec leur handicap. Deux hôpitaux de l’Assistance publique en particulier se démarquent et se spécialisent dans la réadaptation des personnes en situation de handicap : l’hôpital maritime de Berck (Pas-de-Calais) et l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine). Tout y est mis en œuvre pour faciliter l’hospitalisation du patient. Autrement dit, ce n’est plus le patient qui s’adapte à l’hôpital mais l’inverse. L’ergothérapie est d’ailleurs une discipline paramédicale découlant de la réadaptation appliquée dans ces hôpitaux. Il s’agit généralement d’adapter l’entourage spatial du patient à son handicap ou de mettre à sa disposition des outils lui permettant de retrouver son autonomie, l’objectif étant d’éviter le plus possible la dépendance du patient envers autrui pour l’exécution des tâches quotidiennes. L’hôpital Raymond-Poincaré et l’hôpital maritime de Berck constituent depuis les années 1960 de véritables pôles médicaux spécifiquement dédiés au handicap, à la rééducation et à la réadaptation.

En 1961, bien qu’affecté à l’origine au soin de la tuberculose osseuse, l’hôpital maritime de Berck devient un centre chirurgical d’orthopédie et de restauration motrice. La rééducation se traduit essentiellement par le biais de la gymnastique corrective et de la gymnastique orthopédique, éventuellement complétées par des séances de rééducation sous-marine et d’hydrothérapie. Côté réadaptation, les patients réapprennent à exécuter des tâches courantes (cuisine, ménage) et à se servir des objets de la vie quotidienne, le but étant de faciliter leur retour à domicile. L’hôpital propose aux patients plusieurs loisirs artistiques et sportifs en les adaptant à leur handicap. L’un des premiers instituts français de formation en ergothérapie s’installe au sein de l’hôpital maritime de Berck en 1972.

Matériel d'ergothérapie et de rééducation

(gauche) Ergothérapie, hôpital Raymond-Poincaré, 1964, photographie (45/FI/177)
(droite) Marche à l’aide d’un déambulateur en salle de gymnastique, hôpital maritime de Berck, 1953, photographie (16/FI363)

L’hôpital Raymond-Poincaré est affecté après la Seconde Guerre mondiale à la prise en charge et au traitement de la poliomyélite. Il confirme sa vocation d’établissement spécialisé en ouvrant une école de rééducation et réadaptation, avant d’étendre ses soins aux paraplégiques. Par ailleurs, l’établissement tient à tout mettre en œuvre pour que ses patients puissent pratiquer l’activité physique de leur choix : basketball, ping-pong, gymnastique, javelot, jeux de ballon, athlétisme et natation. Essentiel au bon moral des personnes hospitalisées, le sport leur offre un moment de détente et d’amusement. La compétition et l’esprit d’équipe engendrés par les sports collectifs ont un impact indéniable sur la confiance en soi des patients. Ils réapprennent ainsi à connaître leur corps. 
 

Activités sportives, hôpital Raymond-Poincaré, 1964, photographie

Activités sportives, hôpital Raymond-Poincaré, 1964, photographie (45/FI/17)

Aurélie Prévost – Responsable de la médiation culturelle et de la communication 
Sophie Pierrestéguy – Adjointe au pôle relations avec les publics