Le Grand Prix Noveltex

Le 1er Grand Prix Noveltex, une course cycliste emblématique

Le 29 avril 1951, quatre-vingt-dix coureurs professionnels s’élancent pour un périple de 260 kilomètres, reliant Paris à Saint-Amand-Montrond dans le Cher. Ils participent au 1er Grand Prix Noveltex, course organisée par les Établissements Rousseau, l’une des plus grandes manufactures de chemises en gros depuis 1886. Cette page méconnue de l'histoire du cyclisme français a suscité alors un fort engouement car le Grand Prix devient qualificatif pour le championnat de France de 1953. Vingt-deux équipes sont engagées ainsi que 7 coureurs individuels. Les grandes équipes sont toutes représentées pour cette première édition : Peugeot, La Perle, Rochet, Gitane, Dilecta, Alcyon, Mercier, Automoto, Stella, Métropole, France-sport, Vanoli. Il faut dire que dans l’après-guerre, le cyclisme est le sport-roi ; les compétitions d’amateurs occupent d’ailleurs une large place dans la presse quotidienne régionale. Le quotidien L’Équipe, créé en 1946, les deux revues sportives hebdomadaires, Miroir Sprint et But-Club, Le Miroir des Sports, placent l’actualité cycliste en tête, avant la boxe et le football. À partir de 1945, les Français, frustrés par quatre années de propagande, s’arrachent les journaux.

Dans ce contexte, les épreuves cyclistes se multiplient, notamment les « ville à ville », courses classiques et semi-classiques, déjà nombreuses avant-guerre : Paris-Roubaix, Paris-Tours, Paris-Brest-Paris, Bordeaux-Paris et quelques autres. Plus modestement, des Paris-Bourges ou Paris-Vimoutiers occupent une belle place dans le calendrier. Ces épreuves sont soutenues financièrement par des entreprises, qui trouvent dans ce sport populaire un élément de promotion très efficace, d’autant que la célébrissime « Caravane du Tour », créée en 1930, remporte un succès phénoménal, d’ailleurs jamais démenti depuis. Aspro, Waterman, Catox, Monsavon, Nescafé… y vont de leur couplet pour soutenir le cyclisme… et élargir leur clientèle.

La presse régionale annonce cette nouvelle épreuve cycliste dès le mois de mars 1951. Le Berry Républicain du 22 mars 1951 titre : « Le Grand prix Noveltex allait naître ! », La Nouvelle République : « Le Grand Prix Noveltex réunira les meilleurs coureurs français et étrangers ». Car cette course cycliste a tout pour « être une grande épreuve ». La date du 29 avril est, selon les différents directeurs sportifs des grandes marques cyclistes, un très bon choix. Située juste après Paris-Roubaix, Paris-Bruxelles et la Flèche Wallonne, elle doit permettre de juger les coureurs en forme. Elle est, de plus, une très bonne préparation à la course Paris-Tours.

Les pronostics vont bon train quant aux coureurs susceptibles de remporter ce premier Grand Prix. L’Équipe du 25 avril mise sur la « grande offensive » de Géminiani, Lajoie et Buchonnet, alors que La Nouvelle République du Centre-ouest du 26 avril annonce des « Muller, Canavese et Guegan aux prises », sans oublier « Molineris, Aubry et Gomez qui ont glané des places d’honneur » sur le dernier Circuit du Morbihan… Ce sera Pierre Molinéris pour Stella, qui franchira la ligne d’arrivée devant les Éts Rousseau où quelques tribunes ont été installées.
 

L’histoire d’une stratégie commerciale

Le développement des Éts Rousseau au cours des années 1920 s’accompagne d’une véritable stratégie commerciale avec la création d’une nouvelle marque de chemises, Noveltex. Les chemises Noveltex sont vendues dans les « grands magasins ainsi que chez les meilleurs chemisiers de Paris et de province » comme l’indique une publicité de 1930. L’agence Dorland invente le slogan « Le trousseau de l’homme moderne », que l’on retrouve sur certaines affiches de Sépo ou dans la presse. Dans les années 1930, l’homme moderne est un homme actif qui travaille, fait du sport et sort le soir. Pour toutes ces activités, Noveltex propose des modèles adaptés qui évoluent au fil des années, à l’image des dernières affiches de Sépo pour la marque en 1950.

Dans le même temps, l’entreprise Rousseau développe sa stratégie commerciale auprès de ses détaillants-revendeurs, qui sont invités à suivre les propositions imaginées par le groupe, notamment dans la présentation de leurs vitrines. Le fabricant leur met à disposition, moyennant finances, le matériel publicitaire, PLV, affiches, présentoirs... Ainsi, chaque campagne publicitaire est identique sur l’ensemble du territoire. Chaque saison, les revendeurs sont également invités à découvrir les collections grâce à l’organisation de défilés.

La course cycliste du 29 avril représente un intérêt majeur pour l’entreprise, laquelle encourage la pratique sportive de ses ouvriers et ouvrières, notamment dans l’un de ses plus grands centres de production implanté dans la cité berrichonne de Saint-Amand-Montrond (finale de la course). Noveltex est partout, sur les affiches, les divers imprimés, les dossards et les brassards, les banderoles, la caravane publicitaire. Dans chaque ville traversée par la course, les chemisiers dépositaires de la marque offrent des primes qui complètent la dotation initiale de 350 000 francs, dont 100 000 francs pour le vainqueur. Dans chaque ville, les banderoles se font l’écho de ces primes, apportant une visibilité supplémentaire aux commerçants, qui ont aussi décoré leurs vitrines pour l’occasion.

Un album d’archives inédit

Un album d'archives méticuleusement conservé au sein du Musée de la Chemiserie et de l'Élégance masculine offre un précieux témoignage de cet événement exceptionnel. Composé de photographies rares, de coupures de presse d'époque et de documents officiels, cet album retrace avec émotion chaque étape de la course et capture l'essence même de cette épopée cycliste. Ce témoignage constitue le support d’une nouvelle exposition : 1er Grand Prix Noveltex. Une vitrine pour les Éts Rousseau du 4 mai au 29 septembre 2024. À l'aube des Jeux Olympiques de 2024, cette exposition célèbre l'héritage sportif de la France et met en lumière l'engagement des Établissements Rousseau dans la promotion du sport et de la mode.