Gymnastique suédoise, kinésithérapie et mécanothérapie
Focus sur les collections sportives du musée de l'AP-HP.
Distincte de la gymnastique française synthétique par l’association de ses mouvements multiples produisant l’effort exagéré de certains muscles, la gymnastique suédoise est au contraire analytique car elle adapte un traitement individualisé à chaque partie défaillante du corps. Imaginée en 1820 par Pehr-Henrik Ling (1776-1839), elle est introduite en France vers 1827. De cette méthode découle la kinésithérapie (« le soin par le mouvement »), terme proposé en 1847 par Carl-August Georgii (1808-1881), gymnaste suédois élève de Ling. En 1865, le docteur suédois Gustav Zander (1835- 1920) invente des appareils de mécanothérapie complétant le travail du praticien ou s’y substituant. Chaque modèle est spécifique au traitement d’une partie du corps à rééduquer. Très rapidement, l’utilisation de ce matériel dépasse le cadre médical pour s’étendre au domaine sportif et préventif. Avec la recrudescence des blessés de la Première Guerre mondiale, le docteur Paul de Champtassin (1877-1960) améliore ces premiers appareils, acquis pour certains d’entre eux dès 1913 par l’hôpital Saint-Louis. La mécanothérapie est à son apogée durant l’entre-deux-guerres ; en témoignent les nombreuses productions repérables dans les catalogues de vente des frères Rainal, Rossel ou Bardou ou encore les innovations de la famille Albert, annonciatrices des équipements de fitness d’aujourd’hui.
Gymnastique suédoise
La gymnastique suédoise, analytique, agit isolément sur un groupe musculaire ou une articulation, tout en laissant les autres au repos, afin d’éviter ainsi toute synergie de mouvement. Cette méthode de travail, fractionnée et dosée, décompose le mouvement et atténue l’effort. Pour cela, un ou deux aides réalisent des mouvements dits passifs ou opposants sur le patient suivant une fréquence et une mesure précise, ou bien au contraire guident le malade dans l’exécution active de ses propres gestes.
L’arthromoteur de Champtassin
En 1911, le docteur Paul de Champtassin (1877-1960) associe dans son ouvrage La Gymnastique scientifique les deux méthodes synthétique et analytique pour la prescription d’exercices de résistance progressive et constante, visant à graduer l’effort du travail musculaire tout en déployant une énergie minimale pour son exécution. Il invente également un nouvel appareil, l’arthromoteur, breveté en 1907 et 1915, qui regroupe les fonctions de la mécanothérapie passive, plus brutale – le membre à soigner est fixé et contraint sur l’appareil en mouvement – et celles de la mécanothérapie active – le mouvement résulte du soulèvement d’une charge, suscitant une contraction musculaire dynamique et dosée du membre.
Le service de mécanothérapie de l’hôpital Saint-Louis est créé en mai 1911 sous la direction du docteur Rochard, avec la présence d’un seul appareil. En 1913, le service recrute deux infirmières et complète son matériel de deux arthromoteurs de Champtassin, passif et actif, avec accessoires et réducteur de vitesse. L’un de ces deux appareils, breveté en 1907, est visible sur la droite de la photographie prise dans ce service en 1916 (voir bandeau haut - en début de page).
Corderie Central Bardou, Clerc & Cie, Banc d’examen, XIXe-début XXe siècle, bois et textile (Inv. AP 99.0.44)
Albert père et fils, inventeurs
Originaires des Vosges, masseurs–kinésithérapeutes de formation, Sylvain-Joseph Albert (1871-1926) et son fils Sylvain-Léon Albert (1898-1994) ont successivement déposé des brevets de matériel de mécanothérapie de 1912 à 1936. Le musée de l’AP-HP a ainsi acquis en 1994 un ensemble exceptionnel d’appareils daté de l’entre-deux-guerres provenant du cabinet de rééducation et de gymnastique médicale et orthopédique de Sylvain-Léon, établi au 188, rue La Fayette (Paris 10e).
Prévus pour un entraînement en chambre, le cheval de rééducation, le rameur mentionné comme une machine réutilisant les mouvements du canotage ou le vélo dédié à la rééducation des membres inférieurs, s’inspirent directement du matériel équestre et sportif.
Agnès Virole – Responsable du musée de l’AP-HP