La toile de Jouy et les représentations sportives
Focus sur quelques oeuvres du Musée de la Toile de Jouy
Les collections du Musée de la Toile de Jouy comportent peu d’œuvres faisant directement référence au sport. Celui-ci est essentiellement évoqué dans des scènes champêtres représentatives des activités occupant la bourgeoisie du début du XIXème siècle.
Cette toile représente, dans un contexte champêtre, des jeunes gens s’adonnant à des activités sportives. La composition complète dépeint ainsi des jeux de raquettes, de ballon et de boules. Dans ce fragment, conservé au Musée de la Toile de Jouy, seule la scène du jeu de raquettes est visible. Celle-ci est tirée d’une série de gravures de Jean-François Bosio, publiées en 1802 sous le titre Le Bon Genre. En effet, les toiles imprimées puisent régulièrement leurs motifs dans les recueils de gravures, véritables sources d’inspiration et d’émulation, circulant de manufacture en manufacture. Elles reflètent ainsi les thèmes et motifs en vogue à une époque donnée.
Les tenues des femmes permettent d’identifier que le graveur représente une scène qui lui est contemporaine. Les joueuses sont coiffées à la grecque et leurs robes, aux tailles très hautes marquées par une ceinture, taillées dans un tissu léger, témoignent du style antique en vogue au début du XIXe siècle. Ces tenues, moins contraignantes et encombrantes que les robes du siècle précédent, permettent une plus grande liberté de mouvements. On note d’ailleurs que l’une des joueuses porte la traîne de sa robe afin d’être plus à l’aise dans ses déplacements. Le coton, étoffe plus légère et respirante, facilement lavable, permet également un plus grand confort. Il est cependant à noter que les tenues portées dans cette représentation sont des vêtements du quotidien, qui ne sont pas réservés à la pratique sportive : c’est véritablement un peu plus d’un siècle plus tard, grâce à l’influence de Suzanne Lenglen, habillée par le couturier Jean Patou, que les joueuses de tennis adoptent une tenue dédiée, comportant notamment une jupe courte.
Le motif de la toile « Les quatre saisons », aussi appelée « Le délice des quatre saisons », fait partie des motifs pastoraux créés par l’un des dessinateurs attitrés de la Manufacture Oberkampf : Jean-Baptiste Huet. Dans un paysage bucolique, des activités rurales symbolisent chaque saison : l’arbre de mai pour le printemps, la moisson pour l’été, les vendanges pour l’automne et les jeux sur glace pour l’hiver.
Une scène dépeint ainsi deux personnages s’adonnant au patin à glace, non sans un certain humour, puisque l’un d’eux est représenté en pleine chute. Vêtus de vêtements du quotidien (fracs, gilets, culottes et bas), ils sont néanmoins équipés pour les températures hivernales avec leurs chapeaux à larges bords et leurs manchons de fourrure.
Les premiers patins à glace attestés archéologiquement en Europe datent de l’âge de fer, et sont utilisés comme moyens de déplacement sur les étendues gelées. Au Moyen-Age, de premiers témoignages de compétitions sportives et de jeux sur glace attestent l’aspect ludique de cette activité en Angleterre, en France, mais surtout aux Pays-Bas.
Au XVIIIe siècle, époque de l’impression de cette toile de Jouy, la pratique du patin à glace est bien ancrée et institutionnalisée : en 1742, un premier club est créé à Edimbourg, et une première compétition se déroule en 1763 à Fens. En 1772, Robert Jones publie un traité de patinage et fonde une école dédiée à ce sport. Les patins utilisés au XVIIIe siècle se nouent en-dessous des chaussures du quotidien. Généralement en bois, ils sont montés sur une lame en fer recourbée vers le haut à l’avant. Il faudra attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir apparaître des bottines auxquelles les lames sont attachées de manière permanente.
La pratique ludique du patinage se développe tout au long du XVIIIe siècle, et est particulièrement appréciée par les classes aisées, tout comme les courses de traîneau – une femme assise dans un traîneau, emmitouflée dans son manchon, est d’ailleurs également représentée dans la partie hivernale du Délice des quatre saisons.
La Chasse à Jouy est une toile dont le dessin est commandé à Horace Vernet par la manufacture Oberkampf en 1815. Son fond géométrique en damier ainsi que sa couleur bronze est typique de la production des années postrévolutionnaires. Vernet laisse volontairement une place importante au fond et permet ainsi à la nature d’avoir une véritable place dans la composition.
Des éléments permettent d’identifier que la scène se déroule à Jouy-en-Josas, tels que le château de la ville avant la transformation de sa façade dans le style néo-classique sous le Second Empire ou un panneau indiquant « route de Jouy ». La représentation de chasseurs en chapeau haut-de-forme permet également de constater que le port de ce type de couvre-chef dans le contexte de l’équitation est répandu dès le premier quart du XIXe siècle.
Si le thème de la chasse à courre est très commun dans les Beaux-Arts et les arts décoratifs au début du XIXe siècle, c’est bien par la composition de Vernet que ce thème se popularise dans le textile imprimé comme dans la toile Chasse et pêche dans la vallée de Munster, toile imprimée à la Manufacture Hartmann de Munster en 1817.