Les épreuves d’aérostation des Jeux olympiques de 1900

Focus sur les collections sportives du Musée de l'Air et de l'Espace

Assiette décorative - A.Hiver d’après une aquarelle d’Albert Tissandier © Musée de l'Air et de l'Espace

En 1900, Paris accueille l’exposition universelle, dont les épreuves sportives sont considérées comme les deuxièmes jeux olympiques modernes. Seuls jeux olympiques où des épreuves d’aérostation auront lieu, les multiples ascensions sont une compétition entre concurrents mais aussi l’occasion de repousser les limites des vols en ballon, en établissant de nouveaux records, comme le rappelle cette assiette décorative.

Les Jeux olympiques, dans leur acception moderne, sont organisés pour la première fois en 1896 à Athènes. Quatre ans plus tard, en 1900, les seconds Jeux olympiques ont lieu à Paris, où leur calendrier coïncide avec les épreuves sportives de l’Exposition universelle. Si certaines disciplines, comme l’athlétisme, la gymnastique ou le cyclisme perdurent jusqu’aux Jeux de 2024, les épreuves d’aérostation n’ont été inscrites au programme dans le cadre des Jeux olympiques qu’en 1900. 

Avec les Jeux olympiques de 1900, l’aérostation devient une compétition, ce qui suppose une égalité entre les différents concurrents. Un certain nombre d’épreuves impliquent de lester les ballons, afin qu’ils soient tous à égalité, alors que l’aérostation envisagée comme moyen de locomotion visait plutôt à obtenir la machine la plus efficiente possible. Quatre types d’épreuves sont disputées dans le cadre des Jeux olympiques : la durée de vol, l’altitude, la course au clocher, qui vise à s’approcher aussi près que possible d’un objectif déterminé à l’avance, et enfin la distance maximale. 

Le classement au cours de ces quatorze épreuves de vol détermine les pilotes autorisés à concourir pour la grande finale, qui se déroule le 9 octobre, sous la forme d’une course de distance.  Six ballons s’envolent du bois de Vincennes, où une zone d’envol et un hangar pourvu de rampes à gaz ont été aménagés. Cet équipement est visible sur la scène centrale de l’assiette, dont le décor met également en avant la foule nombreuse venue assister au départ des ballons. Véritable attraction, les épreuves d’aérostation semblent avoir attiré de nombreux spectateurs d’après les récits des journaux.

Portés par un vent vers l’est favorable, tous les concurrents franchissent la frontière allemande. Seuls les deux derniers en lice, Balsan et le Comte de La Vaux, qui suivent une trajectoire très similaire, survolent la Russie à partir du 10 octobre. Balsan atterrit à 1 345 km de son point de départ, au sud de Varsovie, tandis que le comte de La Vaux poursuit son ascension vers l’Ukraine et atterrit au petit matin près de Korostychev, dans les environs de Kiev. Les conditions matérielles étaient réunies pour poursuivre le vol au-delà des 1 922 km parcourus, mais les aéronautes n’ont pas osé poursuivre au-dessus d’une forêt dont ils ne possédaient aucune carte. 

Est ainsi établi, à l’occasion de ces deuxième Jeux olympiques, le record du monde de distance, avec 1 922 km parcourus entre Vincennes et la Russie. Le choix de rappeler le trajet du ballon avec deux cartels opposés, à droite et à gauche de l’assiette, peut symboliser la distance parcourue, même s’il est étonnant que le point d’atterrissage, à gauche, soit le premier qui se présente au lecteur. Est également établi, à 35h45, le record de la durée de vol sans escale. Cet exploit n’est pas mentionné sur l’assiette, qui préfère mettre en valeur, dans le cartel supérieur, le grand prix de l’aéronautique remporté par Henri de La Vaux. 

Le grand prix de l’aéronautique est établi en additionnant les résultats obtenus lors des différentes épreuves, selon un système de points. Avec 5 080 points, Henry de La Vaux, vainqueur de la grande finale, devance ses concurrents et remporte aisément ce prix. Outre ces exploits, Henry de La Vaux est le fondateur en 1898 de l’aéroclub de France, première institution de ce type. Membre fondateur puis président de la Fédération aéronautique internationale, le comte de La Vaux a participé activement à la promotion de l’aérostation, en ballon mais également en dirigeable.

Néanmoins, pour la course finale, Henry de la Vaux n’est pas seul, et peut compter sur les qualités de son second, le comte Castillon de Saint Victor, mentionné dans le descriptif de la scène centrale. Les deux hommes se connaissent bien, puisque Georges de Castillon de Saint-Victor a réalisé son baptême de l’air avec Henry de la Vaux, en 1898 seulement, deux ans avant les Jeux ! Toutefois, Georges Castillon de Saint Victor a profité de ce cours laps de temps pour établir le record de distance, avec un vol entre Paris et la Suède en 1899, à bord du ballon Le Centaure. En effet, Georges de Castillon de Saint-Victor, qui a terminé quatrième de la course du 30 septembre, préfère ne pas concourir en individuel à la grande finale du 9 octobre, et se rallie comme second au Comte de La Vaux. C’est à bord du ballon de Castillon de Saint Victor, Le Centaure, sans doute représenté au premier plan avec ses rayures marrons et blanches, qu’est établit le record de distance. 

Ce record est défini dans le cartel inférieur de l’assiette comme le "deuxième voyage en Russie", l’Ukraine étant alors partie intégrante de l’empire russe. Toutefois, le premier voyage en Russie par ballon ne date que de quelques jours auparavant, puisque le premier aéronaute à survoler l’empire de Russie n’est autre qu’Henri Comte de la Vaux lors de l’épreuve de distance du 30 septembre 1900 ! L’aéronaute a en effet atterri en Pologne, à 1 200 km de Vincennes. Ainsi, cette assiette commémorative en faïence de Nevers atteste de l’importance des exploits sportifs pour le public, mais également de son importance politique, dans le contexte d’un rapprochement franco-russe. Cette assiette, comme en écho à la foule représentée, atteste de l’important retentissement des épreuves aérostatiques de l’exposition universelle de 1900, seconds Jeux olympiques modernes. 

Assiette décorative