Parade de Mark Neville

Focus sur un achat photographique du Musée de Bretagne

Photographie de la série Parade, Mark Neville, Guingamp, 2019 – CC BY NC ND – Collection musée de Bretagne, Rennes

Une autre image des supporters de En-avant de Guingamp

Fin 2019, le musée de Bretagne a acheté douze photographies de la série Parade du britannique Mark Neville. Cette importante acquisition s’inscrit dans la continuité de l’enrichissement des collections de photographies contemporaines du musée de Bretagne, à la suite d’expositions comme celle sur les Bretonnes de Charles Fréger en 2015 ou Guy Le Querrec, conteur d’images en 2018.
Par ailleurs, l’entrée des photographies de Neville en collection lance le projet de collecte sur le football en Bretagne, à la suite de la victoire du Stade Rennais en Coupe de France, pour remonter cette histoire sportive, qui constitue un marqueur culturel important du territoire breton, jusqu’à la création des clubs au début du 20e siècle.
Le photographe britannique Mark Neville, qui s’est illustré en 2015 avec la publication de son livre Battle against Stigma sur une campagne photographique de 2011 en Afghanistan alors qu’il était photographe officiel de l’armée, s’est immergé de juin 2016 à avril 2019 dans la communauté des supporteurs du club de football En Avant de Guingamp.
Pays de football et d’élevage de porcs, Guingamp est une ville qui rayonne bien au-delà de ses frontières, malgré de réelles difficultés sociales liées à la précarité des emplois et aux difficultés actuelles des secteurs de la pêche et de l’agriculture traditionnelles.
Mark Neville a choisi de prendre pour point de départ les supporters du club de football local pour ensuite élargir son propos à toute la communauté guingampaise. Les 70 photographies réunies dans le livre Parade publié par le Centre d’Art GwinZegal à l’occasion de l’exposition L’Echappée (2019) témoigne d’une société d’une grande diversité marquée par l’exploitation industrielle de ce territoire rural.
La sélection de douze images de la série permet de balayer tous les sujets traités par le photographe au cours de ces années de résidence guingampaises : l’ambiance survoltée du stade, la passion extravertie ou concentrée des supporters, le portrait d’une communauté où se mêlent harmonieusement traditions bretonnes et modernité, la fierté des éleveurs et travailleurs de la terre et de la mer, et surtout l’étrangeté, la candeur, la surprise, l’absence, la sérénité des portraits posés ou pris sur le vif.

Par l’utilisation d’une double technique, noir et blanc et couleur, accompagnée d’un emploi systématique du flash, même en plein jour, le photographe parvient à suspendre dans l’instant les gestes et les expressions de ses modèles, comme réifiés par une lumière surnaturelle qui va jusqu’à parfois mettre en doute la véracité des situations.

Le regard de Mark Neville sur la communauté guingampoise donne un éclairage sensible sur le quotidien des travailleurs, de l’agriculture à la conserverie, qui permet également un approfondissement, voire une relecture, des collections d’objets du musée sur les mondes du travail en Bretagne.
La subjectivité du photographe imprime une intemporalité à ces images qui s’extraient alors du quotidien dont elles sont issues pour nous projeter hors de notre époque, tout en leur donnant une coloration toute britannique, rappelant ainsi à notre mémoire que les Bretons d’aujourd’hui sont en partie les lointains descendants d’émigrés de l’antique Britannia…
Très présent dans les collections britanniques (Arts Council of England, National Galleries of Scotland, Scottish Parliament), le travail de Mark Neville va faire son entrée dans les collections françaises grâce au musée de Bretagne qui enrichit ainsi plus largement la photographie britannique contemporaine d’une voix singulière dans le champ de la photographie documentaire.
Tout en s’inscrivant dans la tradition très britannique des premiers travaux du célèbre Martin Parr, entre ironie amusée, nostalgie et tendresse pour ces contemporains, le travail de Mark Neville porte l’originalité d’un regard légèrement décalé et distancié qui fait entrer la photographie documentaire dans le champ de la mise en scène. Cette forme hybride confère à ses images une atmosphère parfois surréelle qui les extrait de la quotidienneté et leur donne une dimension plus intemporelle.


Hélène Jagot.
Mars 2020.

Une joueuse de football de En-avant de Guingamp
Un joueur de football de En-avant de Guingamp

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