Régates à Cowes de Jacques-Emile Blanche
Focus sur une pièce de collection du musée des Beaux-Arts de Dijon
Le peintre Jacques-Emile Blanche, connu surtout comme portraitiste, a exécuté plusieurs scènes de rugby et ces Régates à Cowes, peut-être encouragé à de tels sujets sportifs par son anglophilie. Ce tableau est l'occasion de croiser le regard d'un peintre, existant entre fiction et réalité, et celui d'un écrivain, et non des moindres puisqu'il s'agit de Marcel Proust, dont Blanche réalisera en 1892 le plus célèbre portrait.
Dans La Recherche Proust livre à travers le personnage d'Elstir une réflexion sur la peinture, se plaçant du côté du peintre. S'il appréciait certainement Blanche (lui écrivant en 1892 il le nomme « mon peintre »), il ne fut sans doute qu'un modèle parmi d'autres pour cette figure de l'artiste qui révèle au narrateur l'intérêt esthétique d'une réalité neuve, jusqu'alors inaperçu : « Il [Elstir] s'extasia plus encore sur les réunions de yachting que sur les courses de chevaux et je compris que des régates, des meetings sportifs où des femmes bien habillées baignent dans la glauque lumière d'un hippodrome marin, pouvaient être, pour un artiste moderne, un motif aussi intéressant que les fêtes qu'ils aimaient tant à décrire pour un Véronèse ou un Carpaccio. »*
Et Albertine, l'une des jeunes filles en fleurs du romancier, déclare quelques pages plus loin : « Comme j'aimerais être riche pour avoir un yacht, dit-elle au peintre.[…] Et comme ce serait joli d'aller aux régates de Cowes. Et une automobile ! Est-ce que vous trouvez que c'est joli, les modes des femmes pour les automobiles ? - Non, répondait Elstir, mais cela le sera. »*
Proust et Blanche expriment ainsi, chacun dans son art, un aspect de la modernité du XXe siècle.
La semaine de Cowes, compétition nautique internationale qui s'est beaucoup démocratisée, se déroule en été au large de l'île de Wight.
* A l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, in Seconde partie, Noms de pays : Le pays
