La Renommée : une victoire sur l'oubli et la mort

La victoire est source de prestige et de renommée. Les vainqueurs sont célébrés lors de cérémonies qui puisent leurs rituels dans l’histoire antique : jeux funéraires en l’honneur des morts illustres, défilés des vainqueurs de courses de chars, dont la statue de l’Aurige de Delphes est un prestigieux témoin du Triomphes des généraux romains.

La renommée des athlètes fait la fierté de la cité antique comme celle des Etats contemporains. Elle conserve la mémoire d’un exploit éphémère et participe à la légende sportive. Elle accompagne aussi les vainqueurs après leur mort dont le saint chrétien est devenu, avec le héros antique, un nouveau modèle. Palmes, couronnes, trompettes et auréoles sont autant d’attributs qui célèbrent le guerrier, l’athlète ou le saint. 

3.1 Le triomphe des vainqueurs

Les Etats contemporains comme les cités antiques mettent en scène la victoire dans l’espace public. Ils organisent des cérémonies qui accueillent les vainqueurs en héros. Les bus ont remplacé les défilés de chars antiques ou ceux des généraux victorieux de la Rome antique, les mégaphones se sont substitués aux trompettes de la Renommée et le trophée d’armes a fait place aux coupes et médailles. Au-delà des simples amateurs de sport, toute une nation communie avec ses athlètes qu’elle élève, par fierté nationale, au rang d’idoles. 

Aurige (conducteur de char)

L’AURIGE DE DELPHES
(CONDUCTEUR DE CHAR)
Tirage de l’original en bronze (vers 470 av J.-C.) 
conservé au Musée de Delphes (Grèce)

Plâtre
Paris, musée du Louvre, Gypsothèque, Petite Écurie du roi, 
Versailles. Conservé au département des Antiquités 
grecques, étrusques et romaines
Gy 0019


Cette statue est un moulage à échelle 1 d’un célèbre bronze du début du Vème siècle av J.-C. conservé au musée de Delphes. Le conducteur de char faisait le tour du stade après sa victoire aux Jeux Pythiques de Delphes en l’honneur du dieu Apollon. La position du bras droit indique qu’il tenait des rênes. Le bandeau sur ces cheveux est le symbole de sa victoire qui revenait au propriétaire des chevaux, un célèbre aristocrate de Sicile d’après l’inscription découverte avec le bronze.
 

Médaille de Jean Bouin

BERTRAM MACKENNAL (1863 – 1931)
Médaille de participant remise à Jean Bouin
Jeux olympiques, Londres 1908

Étain
Coll. MNS
inv. 2021.9.5


À l’avers de cette médaille, la Renommée, jeune femme ailée, tient une palme et s’apprête à souffler dans la trompette qui répand « le bruit » de la victoire. Les « Trompettes de la Renommée » auraient également pu retentir pour Jean Bouin à Londres si la Fédération Française ne l’avait privé de la finale en équipe, en raison d’une sortie nocturne ! Au revers, le char du triomphe menant l’athlète couronné de laurier et portant la palme de la victoire.

Triomphe romain

ALESSANDRO SALUCCI (1590 ? – APRÈS 1650)
Triomphe romain
1600-1650

Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures
RF 1939 17


Ce tableau montre des vestiges de la Rome antique et une vue d’un port de manière fantaisiste, décor d’un sacrifice qui se déroule au premier plan. À gauche, la scène représente un triomphe romain : sur autorisation du Sénat, l’armée romaine revenant d’une campagne victorieuse entre dans Rome et défile sous un arc de Triomphe. Monté sur un char tiré par quatre chevaux blancs, le général vainqueur couronné reçoit alors le titre d’empereur.

Trompettes de la renommée

PORTE-VOIX DITS
« TROMPETTES DE LA RENOMMÉE »
Vers 1920

Aluminium, cuivre
Coll. MNS
inv. 64.2.1, 64.2.3, MS 7157


Ces porte-voix, surnommés « Trompettes de la Renommée », sont utilisés dans les années 1920 par les animateurs pour annoncer les départs, primes et victoires des coureurs sur piste. Parmi les attributs de la déesse de la Renommée, on retrouve les « annonceurs » de la Renommée, dont l’écho élogieux résonne sur des générations. 

Bobet

Le maillot « Arc-en-Ciel » récompense le vainqueur du championnat du monde de cyclisme dès 1922. En 1954, Louison Bobet remporte son deuxième Tour de France, enchaîne avec un sacre mondial. Il endosse à chaque course gagnée le fameux « maillot Arc-en-ciel », les cinq couleurs représentent les cinq continents et sont directement inspirées des anneaux olympiques.

Ce n’est pas une médaille d’or, une coupe ou un trophée que reçoit le leader du Tour de France. C’est le Maillot Jaune. Il est synonyme de gloire. Il fait les héros d’un jour ou pour toujours. Son pouvoir est de coller à la peau des champions les plus éclatants. Sa carrière achevée, il devient relique, une étoffe précieuse conservée dans la vitrine aux plus beaux souvenirs. Louison Bobet porte ce maillot lors de sa deuxième victoire au Tour de France en 1954. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands coureurs de l’histoire du cyclisme.

Le coureur au maillot jaune

LUIGI CASTIGLIONI (1936 – 2003)
Le coureur au maillot jaune
1975

Acrylique sur carton
Coll. MNS
inv. 76.8.1


Luigi Castiglioni révolutionne la typologie de l’affiche sportive en y apportant une dimension onirique. Promu dans les années 1970 comme l’un des artistes de sport les plus innovants, l’auteur s’empare du Maillot Jaune, maillot « sacré » : celui qui le porte gagne à être vu. Il devient le phare de la course. Sa couleur est d’or et il consacre les rois du Tour de France dont il est l’enjeu suprême. C’est l’étoffe précieuse dont le tissu est le fil d’une longue histoire. La tunique qui rend le coureur unique parmi ses semblables du peloton.

3.2 Le triomphe sur l'oubli et la mort

Comme le soldat ou l’athlète, le martyr chrétien est animé par l’esprit de dépassement de soi. Prêt à souffrir et à mourir pour sa foi, son sacrifice est reconnu par la Renommée qui clame sa victoire éternelle sur la mort. Le monde sportif contemporain s’est parfois emparé des codes religieux chrétiens pour élever leurs champions et championnes au rang d’immortel. Le footballeur Maradona en est un exemple pour des millions de supporteurs. « Dieu vivant » du football, son image renvoie à son éternelle jeunesse.

 

Lapidation de Saint Pierre

ANNIBAL CARRACHE (1560 – 1609)
La Lapidation de Saint-Étienne
1600-1605

Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures
inv. 203


La scène représente la mort d’Étienne, premier martyr chrétien, relatée dans les Actes des Apôtres (Bible). Le saint est agenouillé dans la partie gauche du tableau, aux portes de Jérusalem. Sur le point d’être lapidé, son regard se tourne vers le ciel d’où un ange apparait, envoyé par la Sainte Trinité, pour lui remettre les attributs de la victoire, couronne et palme, devenues les symboles de l’exemplarité du chrétien prêt au sacrifice pour défendre sa foi et récompensé par la vie éternelle. 

Maradonna

DAVID DIEHL (1976 –)
Diego Maradona
2019

Huile sur bois
Coll.MNS
inv. 2019.26.1


Le football est une religion et les stades sont les nouvelles cathédrales des villes. Certains footballeurs sont touchés par la « grâce divine ». C’est le cas de l’Argentin Diego Maradona. Découvrir la ville de Naples, c’est saisir immanquablement le culte élevé à la mémoire de l’ancien maître à jouer du SSC Napoli : images, effigies, objets fétiches consacrés au « dieu Maradona » entourent une ville où religion et superstition sont étroitement liées. Ainsi, Diego Maradona apparaît comme un élu, un guide, un modèle dont il convient de préserver la mémoire, ce qui confère au football le rôle de « nouvelle religion ». 

Gravelotte

COUPE «GRAVELOTTE»
1890

Argent, bois
Coll. MNS
inv. 76.37.1


Lors des premiers Jeux olympiques modernes à Athènes en 1896, Eugène-Henri Gravelotte devient le premier champion olympique français d'escrime. Le roi Georges Ier de Grèce lui remet à cette occasion cette coupe en argent. Ce premier trophée olympique de l’histoire du sport français porte à présent le nom de l’athlète contribuant ainsi à sa renommée, plus de 120 ans après sa victoire.

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