La Paix et la Liberté ont leurs Victoires
Les Jeux olympiques modernes véhiculent des valeurs universelles de paix et de solidarité portées par chacun des athlètes. Ils les expriment par une devise « plus vite, plus haut, plus fort », à laquelle a été ajoutée « ensemble » en 2021. Les anneaux des cinq continents et la flamme sont les symboles d’excellence, d’amitié et de respect qui président aux compétitions. Ces valeurs ont servi à dénoncer les inégalités et l’absence de liberté. Les Jeux Olympiques sont devenus au XXème siècle une tribune politique mais aussi le champ des rivalités entre les états relayés par les médias. Dans l’Antiquité, une trêve sacrée permettait aux athlètes de l’ensemble du monde grec de rejoindre le sanctuaire d’Olympie, interrompant momentanément les guerres incessantes entre cités grecques.
Le relais de la flamme olympique est un moment fort des Jeux modernes. Ce rituel est une invention moderne qui apparait pour la première fois dans le cérémonial des Jeux Olympiques organisés en 1936 à Berlin. Il puise son origine dans la course de relais de flambeaux, la lampadédromie, organisée dans l’Athènes ancienne. Aujourd’hui symbole de paix, cette course de relais met en scène l’unité des nations qui forment un seul corps tout comme la « trêve sacrée » antique obligeait les cités à déposer les armes le temps des concours sportifs.
NINO GREGORI (1925 –)
Giornata Olimpica 1959
1959
Lithographie
Coll. MNS
inv. 2004.20.36
Ce relais de la flamme pour les Jeux de 1960 évoque une Italie démocratique en plein essor économique, qui fait par ailleurs partie des fondateurs de la communauté européenne. Comme pour rompre avec son passé fasciste, cette affiche remémore son prestigieux passé en tant que République romaine dans l’Antiquité avec l’inscription « SPQR » (Senatus Populusque Romanus, « le sénat et le peuple romain »). Elle montre par ailleurs l’unité des peuples avec la rencontre des deux mains. Reflétant la touche classique qui a caractérisé cette édition des Jeux, la forme de la torche a puisé son inspiration des colonnes antiques : de fines rainures affinent le corps de la torche.
ŒNOCHOÉ, SCÈNE DE COURSE AUX FLAMBEAUX
(VASE À PUISER LE VIN)
Athènes
400-350 av J.-C.
Terre cuite
Paris, musée du Louvre, département des Antiquités
grecques, étrusques et romaines
MN 709
De jeunes hommes nus courent à grandes enjambées une torche à la main tandis que d’autres tendent le bras pour la saisir et s’élancer à leur tour. La scène peinte sur la panse de ce vase représente une lampadédromie, course aux flambeaux organisée à Athènes en l’honneur d’Athéna ou des divinités liées au feu comme Prométhée et Héphaïstos. Cette course antique inspire la première course de relais de la flamme lors des Jeux olympiques de 1936 à Berlin, aujourd’hui symbole de paix.
WALTER LEMCKE (1891 – 1955)
Torche olympique
Jeux olympiques, Berlin 1936
Fer
Coll.MNS
inv. 2019.15.5
La lampadédromie, ou course de relais du flambeau renvoie aux fêtes, à Athènes, en l'honneur d'Athéna. Elle est instaurée aux Jeux olympiques de 1936 à Berlin : pour la première fois dans les Jeux modernes, la flamme quitte le sanctuaire d’Olympie et traverse sept pays jusqu’à arriver au stade olympique de Berlin. Avant ce premier relais, un feu symbolique brûlait au sommet d’une tour pendant les Jeux d’Amsterdam 1928 et de Los Angeles 1932. Le relais de la flamme olympique annonce le début des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques et transmet un message de paix et d’amitié tout au long de son parcours.
PIEM (1923 – 2020)
Caricature du relais de la flamme pour Le Figaro
1968
Encre et graphite sur papier
Coll. MNS
inv. D.81.7.60
La caricature a le pouvoir d’informer par le rire, sans pour autant minimiser les enjeux d’un événement. Inaugurés sous la protection de l’armée mexicaine, les Jeux olympiques de Mexico 1968 se sont déroulés dans un climat politique crispé : dix jours avant le début des Jeux, une sanglante répression de l’armée mexicaine contre une manifestation étudiante provoque des centaines de morts. La caricature illustre la tension ressentie par le monde sportif et révèle également la fragilité de la paix même durant les Jeux olympiques.
L’histoire des Jeux modernes est jalonnée de revendications politiques. Certains athlètes n’hésitent pas à mettre leur carrière en péril et à s’engager au nom des valeurs universelles de liberté et d’égalité. Gestes de contestation en 1968 à Mexico contre les discriminations envers la population noire des Etats-Unis, appel au boycott contre l’Union soviétique (une partie de la Russie actuelle) en 1980, signes de fraternité entre sportifs de nations ennemies, sont autant de défis lancés aux Etats. Les attentats mortels aux Jeux olympiques de Munich en 1972 ou d’Atlanta en 1996 rappellent la fragilité de la paix.
FRANÇOIS RUDE (1784 – 1855)
Le génie de la patrie dit la Marseillaise
1834
Plâtre teinté
Paris, musée du Louvre, département des Sculptures
RF 2199
Ce visage est une étude en plâtre d’un relief représentant Le Départ des volontaires en 1792 aujourd’hui sur la pile Est de l’Arc de Triomphe de l’Étoile à Paris achevé par le roi Louis-Philippe (1830-1848). Couverte du bonnet phrygien hérité de l’Antiquité, le front plissé, les yeux exorbités et la bouche ouverte, cette figure fougueuse et combative incarne la défense de la patrie, de la paix et de la liberté menacées au début de la Révolution française par les monarchies étrangères.
JEAN-MARIE PIROT (1926 – 2018)
Pax, Paz
1968
Sérigraphie
Coll. MNS
inv. MS 10675
En 1968, les organisateurs des Jeux d’hiver de Grenoble souhaitent lancer avec la ville de Mexico, accueillant la même année les Jeux d’été, une initiative en faveur de la paix mondiale. Or, le climat social et politique mondial qui suit en a décidé autrement. Ni la Pax Olympica (Paix olympique), ni les actions de protestation des athlètes en faveur de la paix et de la liberté ne suffisent à calmer ces temps troublés de l’année 1968 (manifestations étudiantes dans plusieurs pays, guerre du Viêt Nam, « Printemps de Prague», assassinat du pasteur Martin Luther King).
Le relais de la torche des Jeux de Mexico en 1968 a symbolisé le lien entre les civilisations méditerranéennes et américaines, retraçant le premier voyage de Christophe Colomb vers le « Nouveau Monde ». Quatre variations de la torche ont été produites pour ces Jeux. Celle-ci est le type 3, décorée de colombes représentant la paix et la liberté, et ce malgré les tensions politiques et sociales qui ont retenti plus tôt dans l'année et ce, dans plusieurs pays (France, États-Unis, Sénégal...). La ville de Mexico est également touchée dix jours avant le début des Jeux : une sanglante répression de la jeunesse par l'armée entraine la mort de centaines de personnes.
Reprenant l’idéal de paix du Baron Pierre de Coubertin (1863-1937), les deux Corées ont honoré la trêve olympique, pour la première fois ensemble sous un même drapeau, aux Jeux de Sydney en 2000. Historiquement ennemies et toujours officiellement en guerre, les deux pays défilent à nouveau ensemble en signe de paix aux Jeux d’hiver de PyeongChang (Corée du Sud) en 2018, tout en concourant dans leurs délégations respectives.
BOYCOTT DES JEUX OLYMPIQUES
DE MOSCOU
1980
Sérigraphie
Coll. MNS
inv. 2002.80.8
Organisés pour la première fois en Union Soviétique (1922-1991), les Jeux olympiques d’été de 1980 sont marqués par le boycott de plus de cinquante pays à la suite de l’invasion par l'Union soviétique de l'Afghanistan. Ce retrait des Jeux, ajouté aux autres mouvements contestataires relayée par la voix des athlètes, participent activement à la quête de liberté et de paix universelle portée par les Jeux et le sport en général. Finalement, les Soviétiques remportent 195 médailles dont 80 en or. Des victoires au goût bien amer…
BOYCOTT DES JEUX OLYMPIQUES
DE PEKIN
Vincent V.
2008
Papier
Coll. MNS
inv. 2007.255.1 b
Face aux violations grandissantes des droits de l'Homme et à l’absence de liberté en Chine, l’organisation internationale Reporters sans frontières appelle les chefs d'État et de gouvernement à boycotter la cérémonie d'ouverture de Pékin 2008. Les anneaux sur l’affiche ont été remplacées par des menottes.
Les guerriers comme les athlètes de l’Antiquité ou les sportifs contemporains affrontent leurs adversaires dans un même esprit de sacrifice pour obtenir la victoire. Ils mettent en danger leurs corps. Les uns défendent leur territoire au nom de la paix et de la liberté jusqu’à la mort, les autres sont prêts à aller au-delà de leurs limites jusqu’à la blessure. Nommé Philippidès, le célèbre coureur de Marathon ou plus récemment l’escrimeur Damien Touya, leur victoire collective ou individuelle est exemplaire de l’esprit de fraternité et de fierté nationale qui lient des compagnons d’armes ou une équipe de sportifs.
D’APRÈS JEAN-PIERRE CORTOT (1787 – 1843)
Le soldat de Marathon (Grèce actuelle)
Bronze
Paris, musée du Louvre, département des Sculptures
RF 388
Le soldat Philippidès, nu, est étendu au sol. Muscles tendus et visage relevé, il tend de son bras droit une palme, symbole de victoire. Il vient de s’effondrer d’épuisement après avoir couru une quarantaine de kilomètres pour annoncer aux Athéniens la victoire contre les Perses à Marathon en 490 av J.-C., le retour de la paix et de la liberté. Prêt à sacrifier sa vie en dépassant ses limites physiques, Philippidès est le modèle du héros vertueux dont l’exploit est rapporté par Lucien de Samosate au IIème siècle ap J.-C.
LOUIS DENIS VALVERANE (1870 – 1943)
La mort héroïque de Jean Bouin
1914
Encre et graphite sur papier
Coll. MNS
inv. 88.190.1
Athlète remarquable, Jean Bouin bat en 1913 le record mondial de l’heure en parcourant 19,021 kilomètres. Malgré un avenir prometteur, il meurt au combat en 1914. Ce dessin transcrit son décès aussi digne que tragique. À la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918), l’État mène une politique de mémoire. La production de médailles et de sculptures honore les héros sportifs « Mort pour la France ». Le modèle sportif devient sujet mémoriel.
JOHAN TOBIAS SERGEL (1740 – 1814)
Le Spartiate Othryadès expirant
Vers 1779
Terre cuite
Paris, musée du Louvre, département des Sculptures
RF 1786
Othryadès, héros spartiate, gît au sol sur le point d’expirer. Selon l’historien grec du Vème siècle av J.-C. Hérodote, Othryadès, seul soldat survivant d’un combat sanglant contre les Argiens en 544 av J.-C., décide de se tuer. Blessé et souffrant, le soldat tente dans un ultime effort de soulever son corps meurtri dont les muscles sont encore tendus par une énergie farouche, et grave avec son épée sur son bouclier « J’ai vaincu ». Par son sacrifice, il défend l’honneur de sa patrie.
EDMOND DESBONNET (1868 – 1953)
Modèle
Vers 1900
Plaque de verre
Coll. MNS
inv. 2018.36.154
Le père du culturisme photographie ici son élève dans une position typique du soldat mourant avec honneur au combat, reprenant l’iconographie du Spartiate expirant du sculpteur Sergel (1740-1814). L’exercice de la pose à l’antique permet à Edmond Desbonnet et à ses élèves de confronter leurs musculatures à l’idéal antique et de mesurer leur progrès.
SERGE LAMOUROUX (1933 –)
La souffrance du cycliste
1964
Huile sur toile
Coll. MNS
inv. 2006.34.69
Les empâtements et coulées de peinture traduisent l’effort du cycliste en imitant la sueur et le sang versés pour atteindre la victoire. Si l’œuvre n’est pas le portrait d’un coureur spécifique, Serge Lamouroux peint l’archétype du dépassement et l’abandon de soi au profit de la performance sportive.
MAILLOT DÉCHIRÉ DE JOSÉ MEIFFRET
1952
Laine, soie
Coll. MNS
inv. 76.38.3.1
Le goût de la victoire peut mener les athlètes à se dépasser, parfois jusqu’à en oublier les limites du corps humain. C’est ainsi qu’en 1952, José Meiffret surnommé « L’homme qui a vaincu la mort », atteint la vitesse à bicyclette de 204,778 km/h dans le sillage d’une Mercedes 300 SL. Il est habité par l’idée fixe de devenir l’homme le plus rapide sur un vélo. En 1954, il est victime d’une chute terrible sur le circuit de Montlhéry en cherchant à reprendre le record de l’heure (125,815 km/h). Il se remet péniblement de cinq fractures du crâne. Léon Zitrone commente l’événement avec emphase : « Il est de la race de ceux qui ne meurent pas. Il vaincra ! »
MAILLOT JAUNE DÉCHIRÉ
DE LUIS OCAÑA
LE COQ SPORTIF
Tour de France 1971
Acrylique
Coll. MNS
inv. 1989.129.1
La tragédie frappe parfois le coureur cycliste, sans épargner le Maillot Jaune. Celui de l’Espagnol est transpercé par la pluie de l’orage qui a éclaté au col de Menté, dans les Pyrénées, ce 12 juillet 1971, alors qu’il s’acheminait vers un triomphe. Obsédé par Eddy Merckx, Ocaña manque un virage de la descente. Il est percuté par un autre coureur et ne repart pas. Son rêve est brisé. Il gagne bien le Tour deux ans plus tard mais la victoire n’a pas la même saveur. En 1973, Eddy Merckx n’est pas là…
Aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004, Damien Touya combat au sabre par équipe en demi-finale contre l’Américain Keeth Smart. La lame cassée de Smart transperce le gant et la main du Français qui refuse néanmoins de céder sa place. La ténacité et la détermination de l’équipe française leur permettent de décrocher l’Or.
Le caricaturiste Blachon, connu pour sa collaboration avec le quotidien L’Équipe, illustre les dérives du monde sportif et de la compétition avec humour et poigne. Réalisée en 1988, Touche finale fait étrangement écho à la blessure à la main de Damien Touya survenue aux Jeux de 2004. Le duel peut révéler une facette sombre du sport de haut niveau : la victoire à tout prix !
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3. La Renommée : une victoire sur l'oubli et la mort
Découvrez la troisième grande partie du catalogue !