La médaille des Jeux de la 8ème Olympiade

Focus sur l’exposition D'or, d'argent, de bronze. Une histoire de la médaille olympique

Les ateliers de la Monnaie de Paris dans les années 1920 et la médaille des Jeux olympiques de Paris 1924

 

PARIS 1924 : TROISIEME MEDAILLE DE VICTOIRE OLYMPIQUE POUR LA MONNAIE DE PARIS !

Il y a cent ans très exactement, Paris organisait les deuxièmes Jeux Olympiques de son histoire : Ceux de la VIIIème Olympiade. Cette édition laissa le souvenir de jeux brillants, magnifiquement organisés, théâtre de fabuleux exploits sportifs, qui effacèrent des mémoires le triste échec des Jeux 1900. Il revint à la Monnaie de Paris - et pour la troisième fois après les jeux de 1896 et de 1900 - d’en frapper les médailles de victoire.
Bien qu’il ait été décidé en 1921 par le CIO qu’un concours international serait organisé pour figer le type de la médaille de victoire, il parut impossible de l’organiser dans les temps pour les Jeux de 1924. Un concours eut bien lieu mais finalement restreint aux seuls artistes français et pour la seule édition de 1924 !
 

PARIS 1924 : QU’IL EST DIFFICILE DE SORTIR DU CARCAN ACADEMIQUE

Huit artistes furent retenus. Parmi eux Bénard, Fraisse, Morlon, Poisson, Rivaud et Roques, ayant tous en commun d’avoir été médaillé ou Prix de Rome, et de pratiquer un sport ! Bien que tout ait été fait pour favoriser leur inspiration, le Rapport officiel des jeux de 1924 nous relate la difficulté qu’il y eut à faire émerger un vainqueur :  A la demande du Comité Olympique Français, M. le Colonel Bonvalot, Directeur de l'Ecole de Gymnastique de Joinville a accordé aux artistes l'autorisation d'assister aux entraînements des athlètes pour les utiliser comme modèles s'ils le souhaitaient. De plus, il leur organisa des séances de cinéma montrant les vainqueurs finlandais des Jeux précédents. Au ralenti, ils pouvaient étudier leurs positions et leurs mouvements. Cependant, lorsque le 1er février (1923) les dessins furent présentés à la séance du Comité Olympique Français, on pouvait se convaincre au premier coup d'œil combien il est difficile pour un artiste de se débarrasser des influences de l'école pour exprimer librement et directement ses impressions de la vie. Leur travail était consciencieux, mais clairement plus ou moins inspiré par des influences archaïques. La médaille qui parut la plus originale était celle de M. Rivaud. Il a été accepté par la Commission des Arts au troisième tour de jugement ».

Photographie du Le Colonel Bonvalot à ski

Le Colonel Bonvalot à Pontarlier
Négatif sur verre, 18x13
Anonyme, Agence ROL, 1926
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (1292)

PARIS 1924 : LA MEDAILLE DU FAIR-PLAY

Avec le recul on peut reconnaitre à la médaille de victoire des Jeux de 1924 une indiscutable originalité de motif et plus encore de style. André Rivaud (1892-1951) qui, sans être un inconnu, faisait alors office d’outsider, proposa pour le revers un sujet demeuré unique dans l’histoire de la médaille olympique : une scène de fairplay ! Se détachant en franc relief, au-dessus des cinq anneaux – une première – la scène fraternelle d’un concurrent relevant son adversaire tombé au sol. Sur l’autre face, un « trophée » d’accessoires sportifs (ballons, gant de boxe, ancre…). Ces motifs furent déclinés par la Monnaie de Paris sous la forme de deux matrices (avers et revers) en acier. De ces outillages sortiront 912 médailles, toutes identiques d’une discipline à l’autre, et également réparties entre l’or, l’argent et le bronze. Certains athlètes les feront graver a posteriori de leur nom dans le champ ou sur la tranche. Mais ce que l’on retiendra surtout de cette médaille – d’un style très propre à ce milieu des années 20 - c’est qu’elle fut la dernière médaille olympique d’été dont l’esthétique fut laissée à la libre appréciation du Comité Organisateur des Jeux. En 1928, aux Jeux d’Amsterdam, tout aura changé !
 

Matrice de revers (acier)

Médaille des Jeux de la VIIIème Olympiade (Paris, 1924)

Médaille de bronze (avers et revers) des Jeux de la VIIIème Olympiade (Paris, 1924)
Bronze - André Rivaud (1892 – 1951), Monnaie de Paris
P.4064, Monnaie de Paris, Direction industrielle / MED 104102, Monnaie de Paris, collections historiques

PARIS 1924 : LA DERNIERE MEDAILLE D’ETE EN « FIGURES LIBRES » !

La médaille de 1924 est donc la dernière à avoir joui d’une totale liberté ! En 1923, un concours international est organisé par le Comité International Olympique afin d’uniformiser la médaille de victoire d’une édition à l’autre des Jeux. C’est l’artiste italien Guiseppe Cassioli (1865 – 1942) qui le remporte avec son projet Trionfo (Triomphe). Trop juste en temps pour être appliqué aux médailles des Jeux de Paris (1924), le nouveau type sera donc frappé pour la première fois par la Koninklijke Nederlandse Munt (Monnaie royale des Pays-Bas) à l’occasion des Jeux de la IXème Olympiade (Amsterdam, 1928). A l’avers, la victoire en allégorie tient une palme dans sa main gauche et s’apprête à couronner le champion figuré au revers et que la foule porte en triomphe. Une partie du champ à l’avers est laissée libre en prévision de l’inscription sujette, elle, aux changements : numéro ordinal de l’Olympiade, ville d’accueil et millésime des Jeux. La nouvelle médaille est reçue de manière mitigée par la critique qui s’étonne de son esthétique très académique ainsi que de la connotation fortement romaine - et non grecque - de la composition. 

Médaille des Jeux de la IXème Olympiade (Amsterdam, 1928)

Médaille des Jeux de la IXème Olympiade (Amsterdam, 1928)
Argent doré - Guiseppe Cassioli  (1865 – 1942) , Koninklijke Nederlandse Munt (Monnaie royale des Pays-Bas) 
Inv. 200628, Musée Olympique (Lausanne)
 

PARIS 1924 : LES CINQ MEDAILLES D’OR DU « FINLANDAIS VOLANT »

A l’occasion de l’exposition « D’or, d’argent, de bronze. Une histoire de la médaille olympique » qui se tient à la Monnaie de Paris en 2024, la section consacrée aux Jeux de 1924 est enrichie d’un prêt exceptionnel : les cinq médailles d’or emportées successivement par le coureur finlandais Paavo Nurmi (1897 – 1973) lors de ces Jeux. Dans les années 1910-1920, la prééminence du fonds finlandais lors des compétitions internationales et les incessantes victoires des Finlandais volants – comme les qualifie la presse – est sans partage ! Lors des Jeux d’Anvers (1920) Nurmi obtient son premier titre Olympique sur le 10 000 mètres. La presse sportive le surnomme « La machine à courir » ou encore « L’homme au chronomètre », instrument qu'il porte en permanence au poignet durant les entraînements et les courses. Les années suivantes il enchaine victoires et records. Mais l’exploit demeure celui des Jeux de Paris au cours desquels Nurmi empoche successivement cinq titres olympiques. Trois individuels sur le 1 500 m, le 3 000m et le cross-country. Et deux par équipe : médailles d’or du 3 000m et du cross-country. Par cet exploit inégalé dans la discipline, Pavoo Nurmi est devenu un véritable héros national !

Ce prêt exceptionnel, consenti par la famille Nurmi à la Monnaie de Paris, a été rendu possible par le World Athletics.

Médailles d’or des Jeux de la VIIIème Olympiade, Paris (1924) remportées par Paavo Nurmi

Médailles d’or des Jeux de la VIIIème Olympiade, Paris (1924) remportées par Paavo Nurmi (Finlande)
Argent doré - André Rivaud (1892 – 1951), Monnaie de Paris
Collection privée © Paavo Nurmi Turku (Finlande)

A l’instar des deux éditions précédentes, les États-Unis raflent l’essentiel des médailles – 99, dont 45 en or - suivis de la Finlande et de la France - 38 médailles dont 13 d’or. Il faudra attendre 100 ans pour que la Monnaie de Paris frappe de nouveau une médaille des Jeux d’Eté. Entre temps, les ateliers du Quai Conti auront œuvré pour les médailles des jeux d’hiver, mais c’est là une autre histoire !

 

Dominique ANTERION
Conservateur des collections et du Médaillier de la Monnaie de Paris
Commissaire d’exposition