Visions du sport : Luigi Castiglioni (1936-2003)
Entre surréalisme et hyperréalisme, Luigi Castiglioni est le grand annonceur des spectacles sportifs.
Luigi Castiglioni crée sa première affiche sportive en 1972 à l’occasion du championnat du monde de boxe dans la catégorie des poids moyens, opposant l’Argentin Carlos Monzon au Français Jean-Claude Bouttier. Il rencontre immédiatement un vif succès et devient incontournable pour représenter d’une façon artistique le spectacle sportif. L’affiche de Castiglioni constitue le témoin d’un moment sportif et médiatique. La boxe constitue son entrée dans l’univers sportif, puis il s’intéresse au football, rugby, tennis, cyclisme, golf, hockey sur gazon, tennis, et à l’athlétisme… L’événement sportif d’ampleur internationale capte son attention. Il est sollicité pour réaliser l’affiche de rencontres ou matchs attendus par des millions de fans. Castiglioni s’impose comme l’annonceur des duels légendaires dans les sports individuels ou collectifs : boxe, football, tennis…
Et si on définissait l’art de Castiglioni ainsi : une sensibilité au trait explosif.?
Voilà comment on peut qualifier les premières émotions que l’on ressent à l’observation des productions du natif de Milan. De nombreuses affiches représentent un volcan en ébullition, une explosion de pierres, le jaillissement de la mer, le surgissement d’un gant de boxe sorti d’un stade, un décollage de gants, une balle de tennis qui explose... L’inspiration est certainement façonnée par un penchant surréaliste et un fort sentiment religieux. Très souvent, la nature et le surnaturel se rejoignent dans ses productions pour délivrer une œuvre extraordinaire. En fait, son travail repose sur un art explosif, voire volcanique, complètement assumé. Plusieurs de ses oeuvres donnent à voir un surgissement, celui de la passion ou de la révélation sportive. Le sport semble s’élever ou sortir de terre ou de mer, telle une créature divine.
« On n’a pas le droit de rester muet devant la souffrance. C’est un devoir de venir en aide à ceux qui sont démunis » disait Luigi Castiglioni.
L’œuvre de l’artiste italien ne se limite pas au seul sport. Très sensible aux causes humanitaires, durant les années 1980, il dévoile un pan du véritable artiste engagé. Son art se conjugue avec de multiples actions humanitaires dans de nombreux pays : aide au boat people cambodgiens, un bateau pour le Liban. L’engagement est aussi politique. Luigi Castiglioni accorde une importance majeure à toutes les actions de lutte contre les régimes politiques où la liberté et la démocratie sont bafoués. Ainsi, il dessine pour le mouvement Solidarnosc de Lech Walesa en Pologne, produit plusieurs affiches pour soutenir le combat mené par des organismes comme Médecins du Monde ou La Croix Rouge. En tant que citoyen, il s’engage également pour la démocratie en promouvant l’action de voter.
Fin observateur de la société, Castiglioni a remarquablement peint les figures du XXe siècle. Le choix fut personnel ou commandité par des organes de presse (Le Point, L’Express). A travers ces productions défilent de véritables icones qui ont marqué le monde politique ou sportif. On rencontre : Victor Hugo, l’écrivain engagé, Georges Pompidou, le président poète et passionné d’art contemporain, Jimmy Carter, le premier président américain originaire du Sud profond, ou le Russe Mikhaïl Barychnikov, l’un des danseurs et chorégraphes les plus influents du siècle dernier… Les championnes et champions occupent une place privilégiée dans le catalogue des portraits. C’est un « voyage de rêve » à travers une époque, une idée des disciplines emblématiques et une certaine façon de voir le sport. Bjorn Borg évoque la domination sans égal de « l’homme à la chevelure blonde » dans le circuit du tennis mondial. Carl Lewis exprime l’élégance d’un athlète extraordinaire aussi performant dans les épreuves de sprint que dans le saut en longueur. Monica Seles (originaire de Yougoslavie) livre les premières pages des talentueuses jeunes joueuses de tennis, venues des pays de l’Est
Artiste aux multiples facettes. Castiglioni a remarquablement montré qu’il pouvait exceller aussi bien sur le terrain sportif qu’ailleurs. Sa carrière est ponctuée d’œuvres extrêmement variées. Il entre dans l’univers musical en réalisant « Music-Hall, les Beatles » où les visages des « quatre garçons de Liverpool » sont accompagnés de cercles de couleurs vibrantes. Bel hommage aux sixties. Homme de culture, Castiglioni ne pouvait pas rester insensible au cinéma ou à la scène théâtrale. Il réalise les affiches de « La merveilleuse visite », film de Marcel Carné (1974) et « La Belle et la Bête » de Jean Cocteau mis en scène de façon magique par Jean-Claude Baudoin (1989). Comme tout grand affichiste, il est approché pour des réclames publicitaires. Dans un style futuriste, il dessine l’affiche de l’exposition « Automobile et Publicité » du Musée de la Publicité (1984). Artiste pleinement citoyen, Castiglioni s’engage en réalisant plusieurs affiches dont le but est d’encourager le vote. Il réalise entre autres « Votons !» lors de l’élection présidentielle de 1995.